Lois votées, pas toutes appliquées
Le Parlement vote sans cesse de nouvelles lois. Mais on parle rarement de leur mise en œuvre. En effet, une loi votée a, la plupart du temps, besoin de textes réglementaires pour être applicable. Ne pas prendre ces décrets permet au gouvernement de ne pas voir appliquer une mesure législative qu’il n’approuve pas, surtout si elle a été votée contre son avis. Il arrive également que les décrets peinent à sortir en raison de leur complexité normative. Enfin, certaines interprétations réglementaires peuvent ne pas correspondre à la volonté du législateur.
par Mélody Mock-Gruet dans l’Opinion
De son côté, l’Assemblée nationale a gagné en clarté avec la création d’un baromètre en novembre dernier. Cet outil permet de suivre, en temps réel et sur une période choisie, le taux moyen d’application des lois, l’état d’avancement de la mise œuvre de chaque loi et le calendrier de publication des décrets. Du 22 juin 2022 au 29 mai 2024, 55% des lois ont été appliquées (75% si on ne compte pas les lois adoptées, il y a moins de six mois). Quant au délai médian d’application, il est de 4 mois et 15 jours, même si ce temps varie en fonction des sujets. Sur 1056 mesures à mettre en œuvre, 36% l’ont été (soit 384), il en reste encore 672 à prendre.
L’absence des décrets d’application, souvent dénoncée, n’est désormais plus une question subjective, mais une information vérifiée. Le travail parlementaire sur le contrôle est un nouvel argument pour stopper l’inflation législative. Avant de voter une nouvelle loi, il faudrait déjà que la précédente soit appliquée…
Pouvoirs contraignants. Face à cette situation, les parlementaires disposent de quelques moyens d’action comme poser une question écrite ou orale, déposer un amendement, auditionner les ministres, etc. Pour autant ces outils supposent une coopération pleine et entière du gouvernement.
Pour y remédier, pourquoi ne pas doter les parlementaires de pouvoirs plus contraignants comme la possibilité de signaler des décrets d’application non pris dans les temps par le gouvernement, sur le modèle des questions écrites signalées ? Les députés membres du Comité d’Evaluation et de Contrôle, la « tour de contrôle » en matière de contrôle et d’évaluation de l’Assemblée, pourraient quant à eux avoir la faculté de demander au gouvernement des explications sur des décrets qui semblent ne pas respecter l’esprit de la loi. Ce dernier aurait alors l’obligation d’y répondre dans les 3 mois. A l’instar des réponses des questions écrites, qui sont opposables juridiquement, la réponse du gouvernement pourrait l’être également.
Ces deux dispositifs permettraient un meilleur contrôle à la fois quantitatif et qualitatif de l’application des lois par le Parlement, et renforceraient véritablement son rôle de contre-pouvoir face au gouvernement
Mélody Mock-Gruet, docteure en droit public, enseignante à Sciences Po, auteure du Petit guide du contrôle parlementaire
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