Nouvelle-Calédonie: » les vérités »
Lorsque l’on arrive en Nouvelle-Calédonie, au début des années 2000, on est émerveillé par la beauté et la richesse des paysages et des gens, auxquels s’ajoute leur gentillesse. Les sourires sont partout. On apprend la coutume et on vit ensemble. Vingt ans plus tard, on se retrouve à la tête d’entreprises employant plusieurs dizaines de personnes. Les origines et les ethnies se mélangent, les accents diffèrent et certaines expressions aussi. Mais quand on rigole, ça ne s’entend pas. Aujourd’hui, nous venons de nous rendre compte que nous partageons autre chose : la couleur que l’on a quand on saigne. Car on saigne, et fort. Le « vivre ensemble », on l’a fait, on l’a construit, dans les écoles et les entreprises, et il vient de se briser sur l’autel d’un mensonge de trente ans.
L’origine du problème se situe au lendemain du deuxième référendum, quand les résultats montrent une progression du score en faveur de l’indépendance qui ne garantit pas son aboutissement, certes, mais laisse entrevoir une position plus dominante que celle initialement espérée afin de redéfinir un nouveau statut et de nouvelles institutions.
Ainsi, ce camp indépendantiste veut surfer sur la vague de la progression de son score et demande l’organisation « au plus vite » d’un troisième référendum. C’est le point de départ de la situation actuelle.
Cette demande fait réagir les personnalités de tous bords. Les indépendantistes eux-mêmes demandent à l’Etat, qui l’accepte, de produire un document détaillant ce que serait la Calédonie le jour d’après. Celui-ci est réalisé à l’initiative d’Edouard Philippe, alors Premier ministre. Il est important qu’il puisse sortir avant la tenue du référendum, prévu initialement en milieu d’année 2021.
Coup d’Etat. Le « Non » l’ayant emporté, il fallait donc, en conclusion des accords de Nouméa, « observer la situation ainsi créée » pour organiser l’avenir. Mais rien n’a été fait.
La plupart des émeutiers sont mineurs, les autres n’ont pas la trentaine. La très grande majorité n’est donc pas en activité, beaucoup ne sont pas ou plus scolarisés et pourtant, on assiste à une organisation méthodique, préparée, organisée, ciblée ; une communication dans plusieurs langues, très bien préparée, avec des références soignées ; la logistique elle-même est impressionnante.
Et je m’interroge. Quel formidable pays nous pourrions faire, si toute cette organisation et cette énergie étaient mises au service de l’économie.
La discussion est indispensable et incontournable. Pour qu’elle aboutisse, il faut un médiateur car la confiance est rompue ; cela va prendre beaucoup de temps. Et pour pouvoir le faire, il est indispensable que nous soyons placés sous la tutelle de l’Etat
C’est un coup d’Etat. Car ce qui vient de se passer n’est pas qu’une attaque contre l’économie calédonienne (comme la CCAT l’a écrit et annoncée). C’est bien plus grave. Sans une reprise en main, la Calédonie ne s’en relèvera pas. Elle a besoin de l’aide de l’Etat. De son Etat. Pas de celle d’un autre.
Nous venons de passer de la volonté de « vivre ensemble » à l’obligation de « vivre avec ». La discussion est indispensable et incontournable. Pour qu’elle aboutisse, il faut un médiateur car la confiance est rompue ; cela va prendre beaucoup de temps. Et pour pouvoir le faire, il est indispensable que nous soyons placés sous la tutelle de l’Etat qui, lui seul, peut nous apporter les moyens financiers et opérationnels pour nous permettre de repartir.
Notre contrat social vient d’être brisé. Il ne peut repartir sur les mêmes bases ni avec les mêmes acteurs ou le même équilibre que ceux qui l’ont établi.
Vincent * (le prénom a été modifié pour garantir l’anonymat et la sécurité de l’auteur de la tribune) dirige en Nouvelle-Calédonie une entreprise de maintenance industrielle, employant plusieurs dizaines de salariés.
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