Nouvelle-Calédonie:  » les vérités »

Nouvelle-Calédonie:  » les vérités »

L’un des nœuds du problème, estime Vincent*, entrepreneur dans le secteur de la maintenance industrielle, c’est que les indépendantistes ont tenté de faire croire à leurs sympathisants qu’une éventuelle indépendance de l’archipel serait sans conséquences, financièrement, pour la population locale. ( dans l’Opinion)

Lorsque l’on arrive en Nouvelle-Calédonie, au début des années 2000, on est émerveillé par la beauté et la richesse des paysages et des gens, auxquels s’ajoute leur gentillesse. Les sourires sont partout. On apprend la coutume et on vit ensemble. Vingt ans plus tard, on se retrouve à la tête d’entreprises employant plusieurs dizaines de personnes. Les origines et les ethnies se mélangent, les accents diffèrent et certaines expressions aussi. Mais quand on rigole, ça ne s’entend pas. Aujourd’hui, nous venons de nous rendre compte que nous partageons autre chose : la couleur que l’on a quand on saigne. Car on saigne, et fort. Le « vivre ensemble », on l’a fait, on l’a construit, dans les écoles et les entreprises, et il vient de se briser sur l’autel d’un mensonge de trente ans.

 Il faut rétablir certaines vérités, on entend sur les chaînes d’information que l’origine du problème est l’organisation à marche forcée du troisième référendum, ce qui est une ineptie. Ayant assisté impuissant, car depuis plus de vingt ans je ne peux pas voter, à tout ce qui s’est passé sur le territoire, je me dois de réagir.

L’origine du problème se situe au lendemain du deuxième référendum, quand les résultats montrent une progression du score en faveur de l’indépendance qui ne garantit pas son aboutissement, certes, mais laisse entrevoir une position plus dominante que celle initialement espérée afin de redéfinir un nouveau statut et de nouvelles institutions.

 Mensonges. Le camp indépendantiste est alors à la tête du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, de son gouvernement, ainsi que de deux provinces sur les trois que l’archipel comporte. D’ailleurs, il est curieux de constater que les discours et regards extérieurs considèrent la Calédonie comme un territoire toujours colonisé, alors que les quatre cinquièmes de ses institutions sont contrôlés par les indépendantistes.

Ainsi, ce camp indépendantiste veut surfer sur la vague de la progression de son score et demande l’organisation « au plus vite » d’un troisième référendum. C’est le point de départ de la situation actuelle.

 Alors qu’ils prétendaient, en cas d’indépendance, que la France continuerait à irriguer financièrement l’archipel, il appartenait aux indépendantistes d’expliquer clairement les choses. Ce qu’ils omirent bien de faire

Cette demande fait réagir les personnalités de tous bords. Les indépendantistes eux-mêmes demandent à l’Etat, qui l’accepte, de produire un document détaillant ce que serait la Calédonie le jour d’après. Celui-ci est réalisé à l’initiative d’Edouard Philippe, alors Premier ministre. Il est important qu’il puisse sortir avant la tenue du référendum, prévu initialement en milieu d’année 2021.

 Les neuf dixièmes sont consacrés aux conséquences du « Oui ». Ils indiquent, contrairement à ce que les indépendantistes ont affirmé pendant trente ans, que si le « Oui » l’emportait, il appartiendrait à la Calédonie, pendant une période transitoire, de définir sa monnaie, son fonctionnement, sa défense, sa justice, son éducation, sa santé… Bref, toutes les compétences régaliennes qui s’ajoutent à celles déjà aujourd’hui transférées au territoire, mais avec une nuance non négligeable : sans subvention supplémentaire de la France que celles accordées à un quelconque pays ami.
Alors qu’ils prétendaient, en cas d’indépendance, que la France irriguerait financièrement l’archipel comme aujourd’hui, il appartenait aux indépendantistes d’expliquer clairement les choses à leurs électeurs. Ce qu’ils omirent bien de faire. Raison pour laquelle ils demandèrent d’annuler et reporter l’organisation du troisième référendum. Ce que le Président n’a pas fait, et il a eu raison. Les indépendantistes l’ont boycotté ce qui leur a permis, depuis, d’en discuter la légitimité.

Coup d’Etat. Le « Non » l’ayant emporté, il fallait donc, en conclusion des accords de Nouméa, « observer la situation ainsi créée » pour organiser l’avenir. Mais rien n’a été fait.

 Deux ans et demi plus tard, la mandature correspondant aux élections provinciales arrive à son terme et il est juridiquement très compliqué d’en organiser de nouvelles sur les bases transitoires et temporaires d’un accord désormais révolu. Les indépendantistes se sont retrouvés dans une impasse, et ils ont choisi l’insurrection pour en sortir.
Quel formidable pays nous pourrions faire, si toute cette organisation et cette énergie étaient mises au service de l’économie. Comment allons-nous travailler et avancer ensemble dans nos entreprises, demain ?

La plupart des émeutiers sont mineurs, les autres n’ont pas la trentaine. La très grande majorité n’est donc pas en activité, beaucoup ne sont pas ou plus scolarisés et pourtant, on assiste à une organisation méthodique, préparée, organisée, ciblée ; une communication dans plusieurs langues, très bien préparée, avec des références soignées ; la logistique elle-même est impressionnante.

 En face, les riverains ont assisté, impuissants, à l’incendie de leurs entreprises, de leurs outils de travail, des écoles, des supermarchés, des médiathèques – il ne s’agit pas de voler, il faut casser et brûler. Alors ils se sont organisés quartier par quartier, en dressant des barricades. Tous, nous étions terrorisés.

Et je m’interroge. Quel formidable pays nous pourrions faire, si toute cette organisation et cette énergie étaient mises au service de l’économie.

 Comment allons-nous travailler et avancer ensemble dans nos entreprises, demain ? Mes salariés sont pour moitié Kanak, et en plein cœur des émeutes, je me suis organisé pour leur verser leur acompte afin qu’ils ne subissent pas au-delà de la honte qu’ils éprouvent, les conséquences d’une guerre qu’ils ne veulent pas. Ils m’ont appelé pour me remercier. Comme toujours, comme avant.
« Vivre avec ». On a essayé d’interroger leurs meneurs, mais ils restent à ce jour introuvables et muets. Imaginez un pays comme la France, attaqué par une partie de sa population avec le représentant de la première institution qui ne réalise aucune prise de parole au bout de cinq jours et cinq nuits, et qui reste à ce jour introuvable.

La discussion est indispensable et incontournable. Pour qu’elle aboutisse, il faut un médiateur car la confiance est rompue ; cela va prendre beaucoup de temps. Et pour pouvoir le faire, il est indispensable que nous soyons placés sous la tutelle de l’Etat

C’est un coup d’Etat. Car ce qui vient de se passer n’est pas qu’une attaque contre l’économie calédonienne (comme la CCAT l’a écrit et annoncée). C’est bien plus grave. Sans une reprise en main, la Calédonie ne s’en relèvera pas. Elle a besoin de l’aide de l’Etat. De son Etat. Pas de celle d’un autre.

Nous venons de passer de la volonté de « vivre ensemble » à l’obligation de « vivre avec ». La discussion est indispensable et incontournable. Pour qu’elle aboutisse, il faut un médiateur car la confiance est rompue ; cela va prendre beaucoup de temps. Et pour pouvoir le faire, il est indispensable que nous soyons placés sous la tutelle de l’Etat qui, lui seul, peut nous apporter les moyens financiers et opérationnels pour nous permettre de repartir.

Notre contrat social vient d’être brisé. Il ne peut repartir sur les mêmes bases ni avec les mêmes acteurs ou le même équilibre que ceux qui l’ont établi.

Vincent * (le prénom a été modifié pour garantir l’anonymat et la sécurité de l’auteur de la tribune) dirige en Nouvelle-Calédonie une entreprise de maintenance industrielle, employant plusieurs dizaines de salariés.

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