Réforme de l’État : changer de méthode

Réforme de l’État : changer de méthode

 

Philippe Robert-Tanguy, sociologue des organisations, regrette, dans une tribune au « Monde », que le président et le gouvernement abordent trop souvent la réforme de l’administration en haussant le ton, en se désintéressant de la mise en œuvre opérationnelle et de la conduite du changement.

 

Le ministre de la transformation et de la fonction publiques, Stanislas Guerini, a réaffirmé sa volonté de modifier les statuts et de « casser » les catégories A, B et C de la fonction publique. Certes, ces « catégories enferment souvent les agents publics » et il est nécessaire de transformer ce système. Il reste à savoir si le discours électoraliste sur les licenciements dans la fonction publique (déjà possibles, même si très peu utilisés) est le meilleur moyen d’entrer en négociation avec les syndicats !

En matière de transformation, cela reste encore cependant trop ancré dans une approche incantatoire et normative, dans le prolongement des discours récents du président de la République, Emmanuel Macron, qui a eu l’occasion de pointer les services de l’Etat qui se transforment trop lentement. Ce fut le cas, le 12 mars dernier, lors des Rencontres des cadres dirigeants de l’Etat.

Devant 700 hauts fonctionnaires, le président leur a reproché de ne pas mettre suffisamment en œuvre ses réformes. Depuis presque sept ans, il prend des engagements forts devant les Français, mais il se heurte à l’inertie de l’administration. In fine, les reproches lui sont adressés : « c’est bibi qui paie », a-t-il déploré. Comme ses prédécesseurs, Emmanuel Macron fait la cruelle expérience de la difficulté à transformer l’administration.

Il y a quarante-cinq ans, le sociologue Michel Crozier (1922-2013) publiait son ouvrage On ne change pas la société par décret (Grasset, 1979). Le « décret » est cependant toujours la méthode de changement la plus en vogue dans l’administration. La culture administrative reste aujourd’hui très technocratique. Cette culture très centralisée et descendante conçoit le changement essentiellement comme une injonction et une formalisation des attendus à travers des normes et des règles.

Aujourd’hui, face aux résultats limités dans les changements impulsés, le président hausse le ton et cherche à (ré)impulser le changement par l’incantation, voire la leçon de morale. A travers ce discours médiatisé adressé aux dirigeants de l’administration, le président vise surtout son électorat. Si rien ne change, il ne faudra pas blâmer le président, mais les fonctionnaires qui ne veulent pas changer. On ne transforme malheureusement pas une organisation, a fortiori des administrations, ni par des directives ou notes de service, ni par un discours incantatoire.

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