»Tout le système éducatif ment »
Jean-Paul Brighelli, enseignant et essayiste, à l’occasion de la sortie de son livre « La Fabrique du crétin » dénonce les mensonges sur le niveau réel de l’ensemble du système éducatif de la maternelle jusqu’au CAPES
ENTRETIEN - Pour l’enseignant et essayiste, l’abaissement de la valeur des diplômes est tel qu’il sera très difficile de revenir en arrière.
Enseignant dans le public, Jean-Paul Brighelli a alerté sur les dérives de l’Éducation nationale dès 2005, avec la publication du best-seller La Fabrique du crétin (Gawsewitch Éditeur).
LE FIGARO. – Gabriel Attal a annoncé vouloir mettre fin aux « correctifs académiques » qui consistent à gonfler les notes du brevet, pour atteindre un certain niveau de réussite. On a appris que la pratique était aussi courante pour le bac. Comment est-ce possible ?
Jean-paul BRIGHELLI. - Il y a trois niveaux dans le trucage, en amont et en aval. On commence par choisir des sujets très faciles, en dessous même du programme de l’année en cours. Puis on incite les enseignants à faire preuve de la plus grande mansuétude. Par exemple, au bac de français (l’épreuve anticipée de première), on ne peut enlever tout au plus que deux points pour l’orthographe, quel que soit le nombre de fautes.
Les élèves qui sont aujourd’hui au lycée sont mauvais en orthographe pour la bonne et simple raison que l’école ne leur a jamais appris l’orthographe avant. Même une réforme du collège n’y changerait rien: il a été prouvé qu’il est très difficile d’apprendre un mécanisme, une structure, après ses 12 ans. Si le ministre souhaite malgré tout imposer une sévérité face aux fautes d’orthographe, il faut en tout cas qu’il transmette un vrai barème aux enseignants puisque aujourd’hui les professeurs peuvent retirer seulement deux points aux élèves qui font des fautes d’orthographe.
Quelle serait la réforme idéale selon vous?
La priorité doit être l’entrée des élèves en primaire: c’est là que tout se joue et que les bases de la langue française peuvent être intégrées. Ces années clés doivent être l’occasion d’insister sur l’orthographe, mais en utilisant les bonnes méthodes, c’est-à-dire l’inverse de celles qui sont utilisées aujourd’hui. Dans le cas où l’école primaire serait ainsi réformée, il faudrait surtout être patient, puisque les effets d’une progression ne s’observent qu’après une quinzaine d’années.
Que reprochez-vous aux méthodes aujourd’hui utilisées?
Nous assistons depuis 1989 au naufrage de nos méthodes d’apprentissage de lecture et de l’écriture. La loi dite «Jospin» a intronisé ce qu’on appelle le constructivisme, un courant de pensée selon lequel l’élève construit lui-même ses propres savoirs. L’idée était de placer l’enfant au «centre du système», sans le contraindre à intégrer des savoirs qui lui seraient étrangers. Ce qui explique les graves lacunes en orthographe des enfants depuis le milieu des années 90. À mon sens, la seule méthode qui permette vraiment aux élèves d’apprendre à lire et écrire correctement est la méthode syllabique: celle qui permet d’apprendre les mots en identifiant chaque lettre présente afin d’en faire des syllabes.
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