Pour une Europe fédérale ?
Plutôt que de précipiter l’adhésion de nouveaux pays au sein de l’UE, il faut remettre à plat le projet européen et opter pour le fédéralisme, qui allie contrôle démocratique et efficacité dans l’action collective, estiment dans « Le Monde » les anciens députés européens, Daniel Cohn-Bendit, ancien député européen et Sylvie Goulard, ancienne députée européenne
En décembre 2023, les dirigeants européens ont décidé d’ouvrir des négociations d’adhésion à l’Union européenne (UE) avec l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie, qui rejoignent ainsi les pays des Balkans qui n’en sont pas encore membres – l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, le Kosovo, la Macédoine du Nord, le Monténégro, la Serbie.
Il est juste d’offrir une perspective à des pays brutalement agressés ou menacés et il est dans notre intérêt d’étendre à notre entourage les bienfaits de nos valeurs et d’une certaine stabilité. Mais les promesses généreuses ne suffisent pas. Comment éviter la dilution de l’UE dans un grand tout hétérogène et ingérable ? Des promesses ont été faites sans qu’aucun plan d’ensemble, aucune feuille de route n’aient été adoptés.
La France et l’Allemagne ne partagent pas la même vision, mais les deux pays conservent une responsabilité singulière au nom de l’histoire et, plus prosaïquement, en raison du pouvoir destructeur de leurs querelles. A condition d’être aplanies, leurs divergences les rendent complémentaires. Troupes au sol si nécessaire en Ukraine ou pas de guerre à la légère : nous avons besoin des deux approches. Le franco-allemand, ce sont les « checks and balances » [nom du système d’équilibre des pouvoirs aux Etats-Unis] de l’Europe.
Sur quoi faudrait-il se mettre au travail ? Sur la nature de l’UE. Il n’est pas raisonnable d’étirer encore la Communauté européenne fondée pour six Etats dans les années 1950 et encore moins de compter sur des institutions originales, mal comprises, pour ériger un rempart face à des puissances agressives. Si personne ne veut que l’UE se dote des prérogatives étatiques, cessons de la comparer sans cesse aux Etats les plus puissants du monde et cessons d’envier leur force, leur réactivité. A moins que l’évidence finisse par s’imposer : l’UE n’est pas équipée pour ce qu’on lui demande de faire.
Ce qui serait nécessaire, mais que les gouvernements n’osent pas envisager, c’est l’Europe fédérale. Face aux menaces russes et au risque d’isolationnisme américain, il n’est plus l’heure de se raconter des histoires : pas de puissance politique sans finances solides (contrairement à ce qu’on aime croire en France) ; pas de puissance économique sans responsabilité de sécurité contrairement à ce que les Allemands ont longtemps espéré).
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