Un retour de l’impôt ?

Un retour  de l’impôt ? 

Le gouvernement peut tourner autour du pot autant qu’il le souhaite. Il y a un moment où l’impôt s’imposera comme la seule alternative s’il veut atteindre ses objectifs Surtout sous la pression des agences de notation jusque-là un peu trop bienveillante vis-à-vis du pays.

Au départ, l’Etat a le choix des armes pour atteindre ses objectifs. Soit il s’endette, soit il réduit ses dépenses, soit il augmente les impôts. Puis l’exercice du pouvoir l’invite rapidement à procéder par élimination. D’abord, il y a l’endettement récusé d’office pour cause de vertige. Puis il y a l’impôt rendu inaudible pour cause d’asphyxie. Ne reste que les dépenses qu’il faut donc réduire, mais lesquelles ? Là encore la stratégie reste la même, procéder par élimination. On évite les sujets sensibles, et on tape dans le reste. On trouve alors 10 milliards. Une goutte d’eau par rapport aux défis qui nous pendent au nez.

Par Karl Eychenne, chercheur chez Oblomov & Bartleby dans La Tribune

L’avantage des défis c’est qu’ils permettent d’imaginer un monde meilleur. Un monde où la transition énergétique a pu être financée (rapport Pisani – Mahfouz), tout en ramenant la balance budgétaire à l’équilibre en 2032, comme le souhaite le gouvernement. Mais l’inconvénient des défis c’est qu’ils trahissent rapidement les impasses qui se dressent à mesure que le projet avance. « The Proof is in the pudding ». On ne parle plus de 10 milliards, mais de centaines de milliards à trouver chaque année pour les 10 prochaines années.

On imagine bien que la dette sera pressée jusqu’au bout pour financer tout ce qui peut l’être, jusqu’à ce qu’elle finisse par faire peur aux marchés. De même, on imagine bien que les dépenses seront pincées jusqu’au bout pour réduire le déficit budgétaire, jusqu’à ce qu’elles menacent le financement du modèle social. Mais cela représente combien face aux besoins ? Un peu ? Beaucoup ? Ce que l’on peut dire sans trop prendre de risque, c’est que la marge de manœuvre semble tout de même très limitée si l’on se contente du recours à la dette ou aux dépenses pour réaliser tous les objectifs.

Le déficit budgétaire par exemple, il n’est jamais revenu à l’équilibre depuis près de 50 ans. On ne guérit pas d’un mal chronique juste par un effet d’annonce. Alors, imaginons. Imaginons que le déficit ne revienne jamais à l’équilibre, contrairement à ce qu’annonce le gouvernement. La partie est – elle terminée pour autant ? La dette va-t-elle crever le plafond ? Pas forcément. En effet, il existe une thèse angélique de certains économistes. Cette thèse mise beaucoup d’espoirs sur l’autre moteur de la dette : le différentiel entre la croissance économique et le taux d’intérêt réel. D’après cette thèse, on peut très bien imaginer que le déficit budgétaire reste élevé, mais à condition que d’un autre côté la croissance soit bien supérieure aux taux réels (taux moins l’inflation).

Le problème, c’est que depuis 50 la croissance a toujours été inférieure aux taux réels, sauf durant les 10 dernières années, mais pour des raisons exceptionnelles. En effet, durant cette période, les politiques monétaires ultra-accommodantes ont aspiré les taux vers le bas, et l’inflation post-Covid a exagéré la baisse des taux réels. Mise à part cette parenthèse enchantée, le différentiel entre la croissance et les taux a toujours été négatif, entretenant la hausse du ratio de dette sur PIB. Difficile dans ces conditions d’adhérer à un scénario où la croissance deviendrait durablement supérieure aux taux réels.

Il s’agit d’un scénario où la croissance serait rehaussée d’un ton, dopée par le progrès technique (IA) par exemple. Dans le même temps, les taux réels reviendraient vers des niveaux plus bas socialement responsables (voir le débat entre Stern et Nordhaus). Dans ce scénario, le différentiel entre la croissance et les taux resterait durablement positif, et serait donc susceptible de compenser le maintien d’un déficit primaire (déficit sans compter les intérêts). Dans ce scénario donc, la dette n’irait pas plus haut, malgré le financement des différents défis. Pourquoi pas. On peut croire aux histoires si elles sont bien racontées. Mais bon.

« Tout peut arriver dans la vie, et surtout rien », Michel Houellebecq.

Alors si ni la dette, ni les dépenses ne suffisent pour atteindre les objectifs, que reste-t-il à la fin ? L’impôt. Celui dont personne ne veut entendre. Celui déjà insupportable, comme si l’homo economicus était déjà de l’autre côté de la courbe de Laffer, cette courbe illustrant l’intuition selon laquelle au-delà d’un certain taux d’imposition, le cœur n’y est plus, et le consommateur range son caddie. Le remède devient pire que le mal. Remonter encore le taux d’imposition ? L’homo economicus a déjà le taux courbé. Pourra-t-il supporter encore cette charge supplémentaire ?

En vérité, la question ne se pose pas. Ce sera l’impôt ou rien. Quel que soit le nom qu’on lui donne : impôt post-Covid, impôt planète, impôt confiscatoire… Si le gouvernement veut atteindre tous ses objectifs, de financement de transition énergétique comme de retour à l’équilibre de la balance budgétaire, il n’aura pas d’autre choix que l’impôt cible.

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