Inflation : la politique monétaire restrictive n’est pas efficace
par
Patrick Artus
Une analyse très « classique » qui passe sous silence le phénomène de spéculation qui a largement alimenté l’inflation et continue de faire les beaux jours des bourses. NDLR
Un choc négatif d’offre, c’est-à-dire la réduction du niveau de l’offre des biens et services, peut venir d’une hausse du prix des matières premières importées (pétrole, gaz naturel, métaux industriels), d’une hausse importante des salaires résultant d’une tension forte sur le marché du travail, ou encore d’obstacles au commerce mondial. Un recul de l’offre de biens et services par rapport à la demande engendre une augmentation de l’inflation en même temps qu’une baisse de la croissance. Aujourd’hui encore, les économies américaine et européenne subissent les effets d’un tel choc d’offre : les restrictions au commerce mondial et les difficultés de recrutement, qui font monter les salaires, sont toujours là.
Traditionnellement, la réaction de la politique économique face à un choc négatif d’offre est de passer à une politique monétaire plus restrictive : hausse des taux directeurs de la banque centrale, c’est-à-dire des taux d’intérêt à court terme ; réduction de l’offre de monnaie (quantitative tightening), c’est-à-dire baisse de la taille du bilan de la banque centrale. C’est la politique mise en place aux Etats-Unis et dans la zone euro depuis le printemps et l’été
D’abord, les délais entre la mise en place d’une politique monétaire restrictive et ses effets stabilisants sur l’inflation sont longs – au moins un an et demi –, ce qui permet à l’inflation due à un choc soudain (par exemple, une hausse des prix des matières premières) de se transformer en inflation salariale par le jeu des mécanismes d’indexation des salaires sur les prix. C’est clairement ce qui est arrivé aux Etats-Unis, et plus encore en Europe, avec la forte hausse des salaires (4,5 % sur un an aux Etats-Unis en 2023, et 5,5 % dans la zone euro), conséquence des hausses des prix du gaz naturel, du fret maritime, des semi-conducteurs et des matières premières alimentaires à partir du milieu de l’année 2021.
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