Impôts : hausse rampante

Impôts : hausse rampante
 « Le nominalisme fiscal français peut conduire nos prélèvements obligatoires à revêtir un caractère confiscatoire », alerte l’enseignant à Paris II (Panthéon-Assas), membre du Cercle des fiscalistes. La loi de finances 2024 a prévu, comme chaque année au cours de la période récente, d’indexer les tranches de revenus du barème de l’impôt sur le revenu (IR), sur la prévision d’évolution de l’indice des prix à la consommation hors tabac de 2023 par rapport à 2022, soit 4,8 %. Selon l’exposé des motifs de la loi, « ces dispositions permettront de neutraliser les effets de l’inflation sur le niveau d’imposition des ménages ». Cet article contient en réalité un double aveu. En premier lieu, l’inflation à prendre en compte, pour appréhender les conditions de vie des Français sur l’année 2023, ne correspond donc pas au glissement des prix sur douze mois, entre décembre 2022 et décembre 2023, s’élevant à 3,7 %, mais bien à la moyenne des prix de l’année 2023 comparée à ceux de l’année 2022, en augmentation de 4,8 %.

 

par Philippe Baillot, enseignant à Paris II (Panthéon-Assas), membre du Cercle des fiscalistes dans « l’Opinion ».
Le second aveu met à mal le mantra gouvernemental : « ni hausse des impôts, ni hausse des déficits ». En effet, si le barème de l’IR est relevé de 4,8 %, il n’en va pas de même de l’ensemble des seuils et barèmes d’imposition, par exemple de notre fiscalité patrimoniale (à l’image des droits de succession, de l’Impôt sur la Fortune Immobilière, de l’imposition des revenus du capital, …). Par suite, c’est l’ensemble des prélèvements applicables sur le patrimoine qui se trouve subrepticement majoré d’autant, en l’absence même de tout vote de nos représentants !

Cette hausse masquée s’inscrit dans une tradition de notre fiscalité : son nominalisme consistant à ne pas intégrer les conséquences de l’inflation dans la détermination de l’assiette ou de nos taux d’imposition. A titre d’exemples, l’abattement de 100.000 euros sur les successions en ligne directe date de 2012, celui de 152.500 euros sur les capitaux des contrats d’assurance-vie de 1998, le seuil de 1.300.000 de déclenchement de l’IFI de 2011. Or, pour simplement stabiliser les prélèvements dus ces montants auraient dû être portés respectivement à plus de 130.000 euros, 250.000 euros et 1.700.000 euros !

Ainsi, à l’encontre des principes de notre déclaration des droits de 1789, en l’absence de tout vote de nos représentants « la quotité (et) l’assiette » de nos prélèvements se trouvent massivement accrues. Notre nominalisme fiscal peut même conduire nos prélèvements obligatoires à revêtir un caractère confiscatoire, à l’image de l’imposition des fruits du capital au taux de 30%.

A titre d’illustration, la valorisation annuelle au taux de 4% d’un capital de 100 euros va générer un « produit » de 4 euros, appelant une imposition de 1,2 euro. Or si, au cours de l’année considérée, l’inflation s’est élevée à 2 %, conformément à l’objectif de la Banque Centrale Européenne, l’augmentation du pouvoir d’achat de notre épargnant se sera limitée à 2 euros. Dans ce cas, le taux réel de la flat tax n’est plus de 30 % mais de 60% !

Avec une inflation de 2%, le taux réel de la flat tax n’est plus de 30 % mais de 60%

Pire encore, en 2023, le placement préféré des Français – les « fonds en euros » – aura rapporté en moyenne 2,5 % et appelé au fil de l’eau le prélèvement d’une CSG au taux de 17,2 %, en présence d’une inflation énoncée à 4,8 %. Ainsi, notre État moderne ne trouve-t-il rien à redire à prélever sa dîme sur une perte en capital, en procédant alors de facto à une forme de confiscation, à l’encontre de la logique de notre Déclaration des droits : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ».

Les agences de notation accordent la plus grande importance à la capacité de l’État de prélever l’impôt et de nos concitoyens à y consentir. Or, notre nominalisme fiscal s’accompagne de lourdes conséquences, en termes d’accroissement de nos prélèvements, de mise en œuvre de taux confiscatoires : des conséquences propres à fragiliser notre pacte civil. L’indexation effective des taux et seuils d’imposition devrait donc (re)devenir la règle.

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