la dictature russe convient mieux aux dictatures militaires du Sahel
. Général de brigade en retraite, docteur en histoire, ex-attaché de défense au Tchad et ancien du renseignement, le général (2S) Jean-Marc Marill analyse pour le JDD les dessous de l’éviction américaine du Niger.
Quelques jours après le putsch, l’adjointe au secrétaire d’État américain, Victoria Nuland, se rendait à Niamey. Que venait-elle chercher ?
Jean-Marc Marill. Après le putsch des militaires au Niger, en juillet 2023, et la condamnation par la France et par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, les États-Unis ont adopté un ton plus diplomatique afin de ne pas heurter frontalement le nouveau régime qui se mettait en place, et ainsi sauvegarder leurs relations avec le Niger. Je pense que la visite de Madame Nuland s’inscrivait dans cette démarche.
Qu’a-t-elle obtenu ?
Elle a dû chercher à obtenir des renseignements sur le futur des forces occidentales au Niger et la dissociation, dans l’esprit de la junte militaire nigérienne, entre les forces françaises et américaines. Le Niger, en exigeant le seul retrait des militaires français, permettait aux forces armées américaines déjà déployées depuis 2019 au Niger, de maintenir leur base d’Agadez, clé de voûte de leur architecture du renseignement au Sahel. Mais elle n’avait pas réussi à s’entretenir avec le chef des putschistes, Abdourahamane Tchiani, ni à rencontrer le président renversé, Mohamed Bazoum.
Où les Américains vont-ils repositionner leur base d’Agadez, grâce à laquelle ils surveillaient les mouvements des djihadistes dans l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest ?
L’abandon de la base d’Agadez serait dommageable pour le renseignement occidental. Au Tchad, les bases de Faya-Largeau, Abéché et N’Djamena seraient une alternative. Cependant, elles sont moins centrales que le Niger pour le renseignement.
Est-ce le signe que les Russes ont à nouveau le champ libre dans un nouveau pays d’Afrique de l’Ouest ?
La Russie bénéficie d’un rejet certain de l’Occident dans cette partie du monde. Le régime autoritaire russe convient mieux à des régimes militaires. Les États sahéliens putschistes ont, en outre, un passé marxiste pour certains, et beaucoup sont équipés de matériels soviétiques. Ces deux logiques aident la Russie à se réimplanter au Sahel et en Afrique francophone.
Comment voyez-vous l’avenir de la présence française au Tchad, vous qui avez conseillé le président Idriss Déby et même participé à la défense de la capitale contre un putsch en 2008 ?
Le Tchad pourrait être une prochaine étape pour la Russie. Le président par intérim Mahamat Idriss Déby, après un récent voyage à Moscou où il fut accueilli avec tous les honneurs, pourrait être tenté lui aussi de se rapprocher du président Poutine en cas de difficulté diplomatique avec Paris. La garde présidentielle tchadienne possède nombre d’équipements soviétiques. L’armée de l’air est équipée de Soukhoï Su-25, d’hélicoptères MI-35…
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