Réindustrialisation : former aussi une main-d’œuvre qualifiée
Il y a près d’un an, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, annonçait : « Pour la première fois depuis plusieurs décennies, on ouvre plus d’usines qu’on en ferme. » Ce constat appelle immédiatement une question : a-t-on la main-d’œuvre nécessaire pour poursuivre l’ambitieuse politique de réindustrialisation de notre pays ?
Avec 60 000 emplois industriels vacants, la pénurie de compétences est généralisée et constitue un frein puissant à notre renouveau productif, alerte, dans une tribune au « Monde », Martial Martin, président de l’assemblée des directeurs d’instituts universitaires de technologie.
Cette interrogation est déjà au cœur des préoccupations des industriels, qui peinent à pourvoir tous les postes offerts. Entre 2017 et 2022, le nombre d’emplois industriels vacants a été multiplié par trois, pour atteindre 60 000. La pénurie de compétences est généralisée, et elle constitue un frein puissant à notre renouveau productif.
Ce problème est en partie dû à notre appareil de formation. Dans une note récente, la plate-forme de réflexion La Fabrique de l’industrie affirme que ce dernier est théoriquement en mesure de fournir la main-d’œuvre nécessaire aux besoins de recrutement dans l’industrie. Mais environ la moitié des cohortes formées « s’évaporent », fuyant ainsi les métiers industriels pour se diriger vers d’autres horizons professionnels, en particulier vers le titre d’ingénieur. Il faut impérativement combler ce déficit mais pas seulement.
Il faut aussi s’assurer de former au bon niveau de qualification. L’attention se porte principalement sur la pénurie d’ingénieurs. Mais on ne prend pas pleinement conscience de l’impérieuse nécessité de former aussi des techniciens et des cadres techniques. Dans une usine, ces cadres sont à l’interface entre des opérateurs et des ingénieurs à qui ils apportent leurs connaissances des procédés et des installations.
Ils sont les piliers du dispositif industriel. Mais la France n’en forme pas assez, alors que de nombreux secteurs économiques auront besoin de techniciens qualifiés, par exemple pour la maintenance dans le bâtiment et l’énergie, ou l’industrie militaire. Le flux actuel de 50 000 techniciens diplômés par an devrait certainement être triplé.
La réalité des chiffres est brutale. Comme le souligne l’Académie des technologies, cette carence risque d’obérer toute politique de réindustrialisation et de transition énergétique. Aujourd’hui, seulement un quart des bacheliers technologiques sont diplômés des sections orientées vers la production : sciences et technologies de l’industrie et du développement durable (STI2D) et sciences et technologies de laboratoire (STL). Seule la moitié d’entre eux se dirige vers un institut universitaire de technologie (IUT) ou une section de techniciens supérieurs (STS), ce qui est largement insuffisant pour nourrir les formations de techniciens en production.
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