Visé directement par le parlementaire, le groupe Shein est monté au créneau dans les médias, arguant que son modèle industriel « à la demande », lui permettait d’avoir « des niveaux de stocks et d’invendus bien inférieurs à 10 % alors que les acteurs traditionnels sont entre 20 % et 40 % ». Sachant que le gaspillage et la surproduction sont largement responsables de la pollution provoquée par l’industrie textile, cet argument suffira-t-il à provoquer la mansuétude du législateur français ? Affaire à suivre.
Mais une chose est certaine : la philosophie politique sous-jacente à ce type de mesures passe à côté du défi environnemental. Une approche qui oppose grossièrement croissance, capitalisme, profit, innovation et protection de l’environnement. Car implicitement, le législateur part du principe qu’une économie vertueuse pour la nature, ce serait une économie sévèrement encadrée par des normes et des taxes, par la puissance de l’Etat. Un postulat qui s’avère souvent caricatural, car la réalité est plus nuancée : libérer l’économie, c’est parfois le meilleur moyen de faire de l’écologie, même pour l’industrie de la mode.
Le capitalisme au service de la nature. Chaque année depuis 2002, l’Université de Yale publie son « Indice de performance environnementale ». Une évaluation globale de la manière dont, dans chaque pays, la protection de la nature est assurée, avec des critères qui prennent en compte tous les aspects :
réchauffement climatique, pollution de l’eau,
protection de la biodiversité… Une vision « totale », dont les pays les mieux notés sont les pays les plus industriels et les plus libéraux : Suisse, Royaume-Uni, Finlande…Pour attirer chez nous les industriels du textile et pour relocaliser leur production selon nos critères sociaux et environnementaux, toutes les taxes et les inflations fiscales ne nous serons d’aucun recours
D’ailleurs, les écologistes Bjorn Lomborg et Mickael Shellenberger rappellent régulièrement dans leurs ouvrages que ce qui conditionne la capacité d’un pays à faire face aux conséquences du changement climatique, c’est son développement économique : une industrie puissante peut se permettre de financer de l’innovation pour être plus vertueuse ; une société prospère sera prête à se soucier de la nature.
Et très concrètement, sur le marché du textile et de l’habillement, nul de se réjouit de voir une très large majorité des produits consommés en France être produits en Asie ou en Turquie, dans des conditions éloignées de nos standards européens. Dans sa course à la rentabilité, c’est toute l’industrie de la mode qui participe depuis près de trente ans à cette dérive.
Mais pour attirer chez nous les industriels du textile et pour relocaliser leur production selon nos critères sociaux et environnementaux, toutes les taxes et les inflations fiscales ne nous serons d’aucun recours. A la place, la France serait plus inspirée de regarder du côté du Portugal : depuis quelques années, Lisbonne a fait le choix de ne pas surtaxer la mode et la « fast fashion » importées, mais d’attirer sur son territoire les industriels du secteur grâce à une fiscalité du travail allégée et un tissu de PME innovante. Si le Portugal l’a fait, pourquoi pas la France ?
Loïc Rousselle est professeur de physique-chimie, membre du bureau politique du parti Écologie au Centre et porte-parole national.
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