Haïti : un pays de bandes armées

Haïti : un pays de  bandes armées 

Alors que le pays est de nouveau plongé dans une vague de violence, le politiste Frédéric Thomas revient, dans une tribune au « Monde », sur les causes et responsabilités, y compris internationales, de la situation actuelle.

 

Haïti est en proie à une nouvelle vague de violence. Les bandes armées mènent des attaques coordonnées contre des sites stratégiques et symboliques. Ainsi, les deux plus grandes prisons ont été assaillies et vidées – près de cinq mille détenus sont en fuite –, une dizaine de commissariats incendiés, des ministères pillés, tandis que le port et l’aéroport de Port-au-Prince ont suspendu leur activité.

Jimmy Cherizier, alias Barbecue, le principal chef de gang, a déclaré vouloir en finir avec le premier ministre, Ariel Henry. Il parle de « révolution » et évoquait une « guerre civile » si celui-ci ne démissionnait pas. La police a largement déserté les rues, le gouvernement ne s’est manifesté que par des communiqués saluant le courage des policiers et instaurant un état d’urgence, sans effet. Quant à Ariel Henry, en dehors du pays depuis le 25 février, il restait muet, coincé à Porto Rico, dans l’incapacité de revenir en Haïti. Lâché par Washington, qui le soutenait pourtant à bout de bras jusque-là, il a annoncé, tard dans la soirée du lundi 11 mars, par le biais d’un message vidéo préenregistré, son départ et celui de son gouvernement. Comment en est-on arrivé là ?

Il faut se défier des lectures biaisées, empreintes de stéréotypes néocoloniaux, relayant complaisamment les propos de chefs de gang, coupables d’exactions et de viols systématiques. La rhétorique antigouvernementale de « Barbecue » est opportuniste et ne s’accompagne d’aucun projet politique. Il cherche plutôt à surfer sur l’impopularité du premier ministre et à légitimer son action, tout en renforçant son pouvoir dans la perspective du prochain déploiement d’une force internationale, sous autorité kényane. Enfin, la première République noire indépendante n’est pas un pays maudit au bord d’une guerre civile. Ce ne sont pas deux franges de la population qui s’affrontent, mais bien des bandes armées qui utilisent la terreur pour asseoir leur pouvoir.

Des « tontons macoutes » [les miliciens paramilitaires sous la présidence de François puis de Jean-Claude Duvalier] à aujourd’hui, les gangs existent depuis longtemps à Haïti. Ils naissent sur le terreau de la pauvreté, des inégalités et de la privatisation de la violence orchestrée par un Etat prédateur. La classe politique et l’oligarchie les instrumentalisent afin de s’assurer le contrôle de quartiers et d’une clientèle électorale. Utilisées à grande échelle par le pouvoir pour briser le mouvement social de grande ampleur de 2018-2019 contre la vie chère, la corruption et l’impunité, les bandes armées se sont structurées et renforcées, au point de s’autonomiser de leurs tuteurs traditionnels…

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