Guerre Israël-Hamas : l’intox des médias
Dans la guerre entre Israël et le Hamas, les médias donnent chacun leur version des faits en fonction de leur orientation politique. Voir à cet égard cette tragique affaire de distribution de nourriture à Gaza. Cela peut influencer les perceptions du public et même le déroulement du conflit lui-même. D’où l’importance de suivre des médias dont l’objectif est l’intérêt public.
Papier de télévision d’Ester Duflot de radio France
Une des dimensions du drame de Gaza, c’est qu’il reste peu de médias pour documenter ce qui se passe. Presque tous les journalistes sont partis, et ceux qui restent ont beaucoup de mal à travailler dans les ruines, au milieu des bombes, sans électricité et sans eau.
En d’autre temps, pour d’autres crises, les réseaux sociaux avaient joué un rôle d’information en permettant aux citoyens de partager ce qu’ils voyaient. Mais aujourd’hui, l’intox domine de tous les côtés sur les réseaux, en partie nourrie par de fausses images générées par l’intelligence artificielle, et en l’absence de tout contrôle.
Mon collègue Ben Olken, qui s’intéresse aux médias et à la politique, a copié les gros titres de différents journaux, le soir de l’explosion, à un moment où il y avait peu d’information. Naturellement, les médias arabes et israéliens présentaient le cas sous un jour entièrement différent :
Al Jazeera titrait ainsi : “Un raid israélien sur un hôpital fait 500 morts” ou encore “Israël tue 500 victimes dans le massacre de l’hôpital de Gaza”.
À la même heure, le Times of Israel titrait “IDF : l’explosion de l’hôpital était due à une roquette mal tirée. Le monde arabe accuse Israël”.
Et ce n’est pas la première fois non plus dans ce conflit que des événements troubles ont donné lieu à des interprétations opposées. À chaque fois, chacune de ces versions a été amplifiée dans les médias avant que la vérité n’émerge.
Ce qui est peut-être plus frappant, c’est qu’au moment où on ne savait encore rien des détails sur l’hôpital Ahli Arab, les journaux américains titraient également sur le drame en fonction de leur position politique.
Ainsi, le Washington Post, de centre gauche, titrait : “des centaines de morts dans un raid sur un hôpital à Gaza, d’après les officiels palestiniens”.
Le New York Times, au centre, était plus prudent, ne se prononçait pas sur la responsabilité d’une partie ou de l’autre : “Des centaines de morts dans une explosion dans un hôpital à Gaza, d’après les officiels palestiniens”.
Le Wall Street Journal, à droite, introduisait la position israélienne : “Une explosion à un hôpital de Gaza fait plus de 500 morts, d’après les officiels palestiniens. Le Jihad Islamique palestinien dément l’accusation d’Israël d’avoir causé l’explosion. Les officiels palestiniens et le Hamas accusent Israël”.
Et finalement, Fox News, à droite de la droite, ne donnait même plus la version palestinienne : “Des centaines de morts. D’après Israël, c’est un tir de roquette rate qui est à l’origine de l’explosion de l’hôpital à Gaza ».
Les médias s’adaptent aux opinions de leur public pour ne pas risquer de perdre leur lectorat. Et dans une certaine mesure, oui, bien sûr, le public le sait et tempère ce qu’il entend, mais jamais complètement. C’est bien pour cela que le contrôle des médias est un aspect essentiel du pouvoir.
Ainsi, quand Fox News a pénétré le marché de la télévision aux États-Unis, le vote républicain a augmenté. En Russie, quand les télévisions et les radios indépendantes pouvaient encore opérer, ceux qui habitaient près d’une antenne de transmission votent moins pour le parti de gouvernement et plus pour les partis indépendants.
Dans le conflit israélo-palestinien, les récits du conflit finissent par influencer le conflit lui-même. Quelle que soit la conclusion finale sur la source de l’explosion de l’hôpital Ahli Arab, la plupart des gens ne se rappelleront que de la première version qu’ils auront entendue. Pour certains, de supposées actions israéliennes justifieront une escalade de la guerre. Pour d’autres, une probable désinformation palestinienne autorisera l’armée israélienne à ne pas rendre compte de ses actes.
Quoi qu’il arrive, les civils israéliens et palestiniens, et les juifs et les musulmans dans le monde entier, seront les perdants. Cela nous rappelle le rôle essentiel d’un média bien informé et dont l’objectif est le bien public, pas le profit.
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