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Archive mensuelle de février 2024

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Climat et agriculture: Pédale douce de l’union européenne

Climat et agriculture: Pédale douce de l’union européenne

Pour tenter de mettre à la colère des agriculteurs, l’union européenne vient donc de décider de retirer sa loi concernant de nouvelles restrictions quant à l’usage des pesticides. De toute manière ce texte était surtout constitué de pieuses intentions. Et pendant l’année 2024 , l’Europe mettra la pédale douce sur les contraintes imposées à l’agriculture.

Bruxelles propose une réduction de 90 % des émissions de CO2 à l’horizon 2040, par rapport au niveau de 1990. Cela vise pour arriver à la neutralité climatique à l’horizon 2050, après l’objectif de 2030 préconisant une réduction de 55 % des émissions. Cet objectif général de 90 % ne sera pas assorti d’un texte législatif, contraignant, avant fin 2024.

Lactalis: Première victime fiscale pour l’exemple

Lactalis: Première victime fiscale pour l’exemple

Comme par hasard la justice souvient soudain de plaintes datant de 2018 et qui justifie l’engagement d’enquête notamment fraude fiscale. La conséquence évidemment du mouvement des agriculteurs. Un moyens aussi de peser sur des discussions très difficiles concernant la filière lait. Bref, la démonstration du peu d’indépendance de la justice et de l’opportunisme politicien du pouvoir qui cherche à se refaire une santé auprès des agriculteurs et de l’opinion.

Le parquet national financier a ouvert une enquête pour fraude fiscale aggravée et blanchiment de fraude fiscale aggravée, a indiqué une source judiciaire.

« Ces perquisitions seraient liées à une plainte de la Confédération paysanne de 2018 (pour des soupçons de fraude fiscale, NDLR), un dossier déjà examiné par la justice », précise cette porte-parole. À l’époque, le syndicat agricole avait saisi le Parquet national financier (PNF), sur la base de documents laissant entendre que le groupe lavallois avait mis en place des montages financiers douteux au Luxembourg et en Belgique au milieu des années 2010.

Economie, politique, société: les plus lus- 6 février 2024-

Economie, politique, société: les plus lus- 6 février 2024-

Agriculture-Egalim: loi inapplicable
Thierry Breton pour une loi Egalim européenne… qui ne change rien
Emplois fictifs : des procès politiques ?
Sénégal: Un risque de tomber dans le camp russe
Immobilier : la prochaine crise après l’agriculture
Social- Revalorisation des salaires en 2024 : un mensonge
Salaires: encore moins en 2024
Ventes voitures électriques : la chute à prévoir
Immobilier: catastrophe depuis 50 ans
Société- Un désordre mondial appelé à durer

Agriculture-Egalim: loi inapplicable

Agriculture-Egalim: loi inapplicable

La France a élaboré trois lois Egalim, , elle s’apprête à en sortir une quatrième et demande une loi Egalim européenne qui en fait ne changera pas grand-chose car si l’État peut effectivement intervenir sur le respect de certaines dispositions réglementaires, il ne peut en aucun cas fixer un prix plancher pour chacune des productions qui s’impose au marché. D’abord parce qu’environ de notre production est exportée et que les centrales d’achat françaises ne se privent pas de contourner les contraintes législatives en agissant depuis l’étranger.

Le secteur agricole ne pèse pas lourd politiquement et économiquement face d’une part aux industriels d’autre part surtout face à la grande distribution. Certes il existe encore quelques outils professionnels mais la plupart ont été liquidés et sont au service maintenant des grands intérêts privés. C’est le cas des principales coopératives, centrales d’achat et de vente hier aux mains des agriculteurs aujourd’hui aux mains des financiers. C’est le cas aussi de la puissante banque crédit agricole présente sur le terrain mais qui a réussi à rendre indépendante des paysans la plus haute structure de direction. Le crédit agricole est devenu une hyper banque mondiale bien loin de la coopérative de départ. En outre il n’y a rien de commun entre les intérêts de très gros agriculteurs et ceux des petits englués dans les mono-productions de petite taille.

Toute loi de type Egalim visant à imposer des prix minimums est une illusion. Quand on est la septième puissance agricole mondiale et un grand pays exportateurs de biens et services il faut évidemment accepter les règles du marché international.Et certains alors de proposer une régulation européenne et surtout mondiale. Comme si on pouvait égaliser à coup de lois les conditions de concurrence entre pays développés et pays pauvres qui produisent une grande partie de l’agriculture

Un secteur a connu les mêmes difficultés à propos des prix à savoir le transport. Pendant toute une période on a connu le concept de tarification obligatoire(TRO) . Il a fallu lui substituer des tarifs de référence à vocation pédagogique, moderniser la gestion des opérateurs, diversifier leur activité, partager les gains de productivité avec les clients enfin restructurer la profession. Tout n’est pas rose dans le transport routier mais le secteur a été assaini et on a abandonné l’illusion du tarif obligatoire qui nous ramène un autre type de société et d’économie à savoir l’économie dirigée ou communiste qui conduit à la misère et au rationnement. ( Exemple Cuba, Chine, Corée du nord).

Thierry Breton pour une loi Egalim européenne… qui ne change rien

Thierry Breton pour une loi Egalim européenne… qui ne change rien

Thierry Breton, a repris immédiatement l’idée de Macon pour l’élaboration d’une loi européenne type égalée qui dans les faits ne change rien. Une manière de faire semblant de légiférer avec des pseudos mesures de régulation. L’idée étend de faire croire que les pouvoirs publics peuvent influencer les prix de marché alors qu’ils ne peuvent intervenir que sur certains aspects réglementaires et encore…… à condition d’embaucher des millions de contrôleurs au plan européen et mondial !

Invité ce lundi sur RMC et BFMTV, le commissaire européen au Marché intérieur Thierry Breton a « déploré » le contournement de la loi Egalim par des distributeurs via des centrales d’achat basées à l’étranger et s’est dit favorable à la proposition d’Emmanuel Macron de créer une loi Egalim à l’échelle de l’Union européenne.

En vigueur en France, la loi Egalim vise à mieux prendre en compte le coût de production des agriculteurs dans la formation du prix pour leur assurer un revenu décent. Mais « certains de nos distributeurs ont organisé par de grandes centrales européennes le contournement de la loi française », avait déjà dénoncé Emmanuel Macron la semaine dernière, avant de plaider en faveur d’une loi Egalim européenne pour y remédier.

Et de rappeler que son « rôle en tant que commissaire au Marché intérieur » était « de veiller précisément à ce qu’on ai un traitement identique sur tous les secteurs industriels de l’Union européenne, de façon à ne pas avoir de distorsion de concurrence ». Bref le bla-bla habituel !

Emplois fictifs : des procès politiques ?

Emplois fictifs : des procès politiques ?

Les procès dits « politiques » sont ceux où la justice est instrumentalisée, par certains gouvernements, mais aussi des accusés qui politisent certains procès en les médiatisant.

Par Pierre Allorant, Université d’Orléans; Noëlline Castagnez, Université d’Orléans et Walter Badier, Université d’Orléans dans la « Tribune »

Pour preuve du caractère très politique de ces affaires d’emplois fictifs, celui des permanents syndicaux de grandes entreprises nationales qui par centaines œuvrent pour autre chose que la défense des intérêts de la société qui les emploie. Des permanents d’ailleurs indispensables pour prendre en compte les intérêts des salariés du privé. Des permanents qui agissent dans le cadre confédéral ( pour l’organisation globale) et non pour leur entreprise ( ou alors partiellement).

Le jugement de l’affaire des assistants des eurodéputés du MoDem a été mis en délibéré au 5 février 2024.
Le jugement de l’affaire des assistants des eurodéputés du MoDem a été mis en délibéré au 5 février 2024. (Crédits : POOL)
Ce 5 février est attendu le jugement du procès des assistants parlementaires européens de l’Union pour la démocratie française (UDF) et du MoDem, dirigé par François Bayrou. Certains de ces assistants sont suspectés d’avoir œuvré davantage pour le parti que pour leurs eurodéputés. Cette affaire fait écho à d’autres au sein de la classe politique française.

Le Rassemblement national (RN) et La France insoumise (LFI), sont également soupçonnés d’emplois fictifs. Une enquête sur les conditions d’emploi d’assistants d’eurodéputés de LFI est en cours. Quant au RN, deux juges d’instruction financiers ont ordonné le 8 décembre 2023 le renvoi devant le tribunal correctionnel de Paris de Marine et Jean-Marie Le Pen, du parti et de 25 autres de ses membres pour détournement de fonds publics. Alors que les procès contre des responsables ou des partis politiques sont nombreux, les médias et les protagonistes eux-mêmes ne les qualifient pas systématiquement de « procès politiques ». Que recouvre alors cette notion dans le champ scientifique ?

Une double stratégie de politisation
Les procès dits « politiques » sont ceux où la justice est instrumentalisée soit par l’instruction puis le ministère public, soit par les accusés, voire par une combinaison stratégique de ces deux volontés. Comme l’a montré la politiste Vanessa Codaccioni, les procès politiques sont le produit d’une double stratégie de politisation, du pouvoir et de l’opposition. Le premier mobilise des incriminations qui peuvent justifier le recours à des juridictions d’exception (comme la Cour de sûreté de l’État durant la guerre d’Algérie) mobilisées contre les « ennemis de l’intérieur », offrant à l’accusation des outils extraordinaires tels les gardes à vue prolongées (dans la lutte antiterroriste) et de procédures militaires. Magistrats aux ordres du garde des Sceaux, débats contradictoires tronqués et condamnations pour l’exemple en sont les marques dans les régimes autoritaires et même parfois en régime démocratique.

Sur la longue durée, historiens et juristes ont plutôt interrogé cette première forme de politisation de la justice. Toutefois, si le procès politique appartient à l’arsenal répressif d’un régime, l’opposition peut retourner à son profit la procédure, si ce n’est au tribunal, du moins dans l’opinion en médiatisant l’événement. L’affaire politico-judiciaire devient alors un espace alternatif pour faire de la politique en dehors du cadre institutionnel. Ainsi en 1863, le procès des Treize fédère les défenseurs des « libertés nécessaires » contre le Second Empire. Les procès politiques peuvent donc devenir une véritable opportunité qui permet à une opposition de retourner le stigmate, de catalyser ses forces et de se structurer sur le long terme.

Dans l’affaire des emplois fictifs, les attitudes des partis varient non seulement selon leur rapport aux institutions, mais aussi en fonction de leur stratégie.

Au pouvoir ou dans l’opposition : des stratégies à géométrie variable
François Bayrou, leader de l’un des partis alliés de la coalition au pouvoir depuis 2017, a incarné la posture du défenseur de l’État de droit face aux atteintes et dérives de la présidence de Nicolas Sarkozy. Aussi, ne peut-il emprunter la posture outragée de la victime d’un procès politique pour dénoncer un quelconque acharnement d’une justice qui lui serait idéologiquement hostile. Garde des Sceaux démissionnaire en raison d’une enquête préliminaire qui mènera à sa mise en examen dans l’affaire des emplois fictifs du MoDem au Parlement européen, il a choisi de répondre aux éléments du dossier point par point, davantage en législateur expérimenté qu’en dirigeant d’une formation politique.

Jean-Luc Mélenchon

Tout à l’inverse, Jean-Luc Mélenchon a théorisé pour la Vᵉ République une justice à charge contre les opposants politiques, en s’appuyant sur des précédents historiques et des exemples étrangers. Assimilant la France aux systèmes illibéraux, voire dictatoriaux, le leader de La France insoumise dénonce, derrière une médiatisation à charge par les organes proches du pouvoir, une tentative de le discréditer et de le faire taire. La vigueur de ses réactions est renforcée par une perquisition qui éclaire l’interpénétration de sa vie privée et du financement de sa communication politique. La personnalisation grandiloquente – « la République, c’est moi ! » – vise à renouer avec les grandes heures des combats pour les libertés parlementaires – du Léon Gambetta sous le Second Empire à Léon Blum au procès de Riom -, en rappelant que la tradition républicaine française réserve la souveraineté populaire au Parlement.

Quelques jours avant la condamnation du leader de LFI par le tribunal correctionnel de Bobigny pour « actes d’intimidation envers l’autorité judiciaire, rébellion et provocation », l’ancien candidat à la présidentielle et ses soutiens avaient dénoncé un procès politique. Dans une tribune intitulée « Le temps des procès politiques doit cesser », publiée le 15 septembre dans le Journal du Dimanche, plus de 200 personnalités, parmi lesquelles Jean-Luc Mélenchon lui-même, le brésilien Lula, l’équatorien Rafael Correa ou encore l’espagnol Pablo Iglesias, mettaient en garde contre le recours croissant à la « tactique du lawfare », c’est-à-dire « une instrumentalisation de la justice pour éliminer des concurrents politiques ».

Quelques jours plus tard, le leader des insoumis faisait paraître Et ainsi de suite… Un procès politique en France, dans lequel il dénonçait une justice politique aux ordres de l’exécutif avec la complicité des médias :

« Le lawfare est une guerre judiciaire, médiatique et psychologique. La leçon des expériences montre qu’on ne peut rien négocier, rien stopper. Il ne faut jamais renoncer à mener cette bataille comme une bataille politique, un rapport de force. Jusqu’à ce que la réputation de l’adversaire devienne aussi discutée que celle de l’accusé sans preuve » [p. 179].

Quant à l’extrême droite, longtemps habituée à dénoncer, elle aussi, l’hostilité de la justice à son égard, le passage du Front au Rassemblement national vient percuter cette instrumentalisation des procédures judiciaires.

Jordan Bardella & Marine Le Pen

Si Jean-Marie Le Pen ne pouvait que se satisfaire de ses condamnations à répétition, qui venaient renforcer sa marginalité face à « l’establishment » et sa posture de tribun de la plèbe contre les élites coalisées, la normalisation et la dédiabolisation du Rassemblement de Marine Le Pen rendent complexe la posture victimaire. L’institutionnalisation du RN à l’Assemblée nationale depuis 2022 (vice-présidences et respect des codes parlementaires) apparaîtrait incohérente avec la dénonciation véhémente d’une justice politique et incompatible avec l’aspiration à devenir un parti de gouvernement apte à être admis au sein d’une coalition.

Le RN apparaît en conséquence à la croisée des chemins à l’occasion de cette affaire judiciaire : s’il renoue avec son héritage de mouvement hostile aux institutions politiques et judiciaires, il risque de mettre à bas une décennie d’efforts pour s’intégrer au système. À cette aune, le prochain procès sur les emplois fictifs constituera un test important sur la pérennité de la stratégie de notabilisation et de respectabilité du RN.

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Par Pierre Allorant, Professeur d’Histoire du droit et des institutions, Université d’Orléans ; Noëlline Castagnez, Professeur d’Histoire politique contemporaine, Université d’Orléans et Walter Badier, Maître de conférences en histoire contemporaine, Université d’Orléans

Sénégal: Un risque de tomber dans le camp russe

Sénégal: Un risque de tomber dans le camp russe

Le report de l’élection présidentielle au Sénégal vient déstabiliser encore un peu plus une Afrique déjà fragilisée et de plus en plus attiré par la maladie des dictatures. Cela d’autant plus que le Sénégal jusqu’alors était considérée un peu comme un modèle sur le plan démocratique. Évidemment le pouvoir a déçu et s’est usé sur les travaux guerriers de la gouvernance. Avec en plus des divisions internes pour la majorité. En face c’est la tendance pro-russe qui risque d’émerger avec ses conséquences économiques dramatiques à terme et la mise entre parenthèses de la démocratie.

En outre, l’accès aux données mobiles internet était coupé à Dakar, comme l’ont constaté les journalistes de l’AFP. De nombreux usagers se sont également plaints de ne plus avoir accès aux données mobiles sur leur téléphone portable depuis la matinée. Dimanche soir déjà, les autorités sénégalaises avaient suspendu le signal de la télévision privée Walf TV, coupable selon elles d’« incitation à la violence » à travers ses images sur les protestations un responsable du ministère de la Communication. De son côté, le groupe Walf a annoncé sur les réseaux sociaux un « retrait définitif de sa licence par l’Etat ».

Le report de la présidentielle a suscité un tollé et fait craindre un accès de fièvre dans un pays réputé comme un îlot de stabilité en Afrique de l’Ouest, mais qui a connu différents épisodes de troubles meurtriers depuis 2021. L’annonce a aussi provoqué l’inquiétude à l’étranger. Plusieurs candidats d’opposition ont annoncé à la presse leur décision d’ignorer la décision du président Sall et de maintenir le lancement de leur campagne dimanche. Pour rappel, le président Sall, élu en 2012 pour sept ans et réélu en 2019 pour cinq ans, a annoncé en juillet ne pas être pas candidat.

La France et l’UE demandent des élections « dans les meilleurs délais »
L’Union européenne et la France, importants partenaires du Sénégal, ont affirmé que le report de la présidentielle ouvrait une période « d’incertitude », et ont appelé à des élections « dans les meilleurs délais ».

« L’Union européenne (…) appelle tous les acteurs à œuvrer, dans un climat apaisé, à la tenue d’une élection, transparente, inclusive et crédible, dans les meilleurs délais et dans le respect de l’Etat de droit, afin de préserver la longue tradition de stabilité et de démocratie au Sénégal », a déclaré Nabila Massrali, porte-parole de la Commission pour les affaires étrangères.

Les Etats-Unis et la Cedeao, dont le Sénégal est membre, ont également exprimé leur inquiétude, et ont demandé aux autorités de fixer rapidement une nouvelle date.

Le candidat anti-système Bassirou Diomaye Faye, à la candidature validée par le Conseil constitutionnel bien qu’il soit emprisonné depuis 2023, s’est imposé ces dernières semaines comme un postulant crédible à la victoire, un scénario cauchemar pour le camp présidentiel.

Immobilier : la prochaine crise après l’agriculture

Immobilier : la prochaine crise après l’agriculture

Le logement- l’immobilier en général- pourrait faire naître une autre crise après l’agriculture. Le secteur est en effet en pleine dépression et des milliers d’emplois pourraient être supprimés dès cette année. En outre une crise structurelle avec des causes multiples et durables. Jean-Claude Driant, professeur à l’école d’urbanisme de Paris, auteur de Les politiques du logement en France (La documentation française, 2015), Explique dans « la Tribune » que la crise du logement va durer faute de politique contracyclique

En quoi la crise actuelle du logement est-elle différente des crises précédentes ?

JEAN-CLAUDE DRIANT : C’est une crise multifacette qui, pour simplifier, cumule deux crises. Celle du logement, comprendre du logement trop cher, alimenté depuis vingt ans par des conditions de crédits favorables dans le neuf comme dans l’ancien et qui se traduit aujourd’hui par une difficulté pour de très nombreux ménages d’y accéder, à laquelle s’ajoute une crise immobilière extrêmement lourde. Celle-ci est liée au contexte international, à l’inflation et à la montée des taux d’intérêt, et se développe de façon différenciée selon que l’on soit sur le marché du neuf ou sur celui de l’existant.

Dans le neuf, la question se pose en termes de coûts de construction et de foncier qui génèrent des prix complètement inabordables pour la plupart des ménages confrontés au crédit. Même s’il faut souligner que les taux d’intérêt d’aujourd’hui ne sont pas si élevés. Ils le sont moins que l’inflation, ce qui est presque anormal économiquement parlant, cependant ils sont quatre fois plus élevés qu’il y a deux ans alors que les prix des logements n’ont pas baissé en proportion.

Dans l’ancien, la crise est certes liée aux prix trop élevés, mais il semble que l’on fasse ici le pari d’un marché capable de s’ajuster tout seul. Autrement dit, les prix baisseront parce que les vendeurs ne parviennent plus à vendre. Ce qui diffère grandement du neuf dont ni le coût du foncier, ni celui de la construction ne s’ajustent aussi facilement que dans l’existant.

Dès lors, la réponse à cette crise est-elle différente des précédentes ?

Jusqu’alors, dès qu’une crise importante apparaissait en France, nous avions l’habitude de développer des mesures politiques contracycliques permettant de passer le cap. Souvenez-vous de la crise financière de 2008. Tout le monde craignait un effondrement du secteur du bâtiment. Lequel ne s’est pas produit parce qu’il y a eu, en réponse, une politique claire, forte, à travers le Scellier, le doublement du prêt à taux zéro, le rachat important de logements des promoteurs par des bailleurs sociaux… Ce qui diffère avec cette crise, c’est qu’il n’y a pas de mesures contracycliques, rien n’a été enclenché, excepté le rachat de logements par CDC Habitat et Action Logement. Ce qui paraît très insuffisant.

Pourquoi cette absence de réponse ?

J’ai deux explications à cela. La première, c’est qu’on sort des années du « Quoi qu’il en coûte ». Un « Quoi qu’il en coûte » qui, soit dit en passant, n’a pas véritablement alimenté le marché immobilier. En termes de politiques publiques, l’enjeu de revenir à une certaine forme de sagesse budgétaire n’incite donc pas l’État à remettre de l’argent dans la machine.

La deuxième explication est plus idéologique. En mai 2023, le président de la République qualifiait le secteur du logement comme « un système de sur-dépense publique ». C’est son interprétation, sa lecture d’un secteur dans lequel, selon lui, on a historiquement mis beaucoup d’argent pour fabriquer de la rente, sans résultat social et économique efficace. En fait, je crois qu’au sommet de l’Etat la question ne se pose pas vraiment. Le marché ajustera. Ou, à défaut, les collectivités territoriales.

Pourtant, on voit bien les difficultés de certaines collectivités à produire du logement, notamment social. En Provence-Alpes Côte d’Azur, le parc social ne représente que 14% du parc de résidences principales, contre plus de 17% au national. 95 communes régionales sont concernées par un arrêté de carence au titre du bilan triennal 2020-2022, dont 26 dans les Alpes-Maritimes où 72% des logements sociaux sont réalisés en Vefa par des promoteurs privés, contre 56% au national…

Cette particularité azuréenne est une démonstration de l’interdépendance qui s’est créé entre le monde du logement social, qui a besoin des promoteurs pour produire, et celui des promoteurs, lesquels se trouvent dans une situation d’arbitrage financier compliqué au regard des prix de vente des lots et ceux des logements individuels. Cette dépendance génère aujourd’hui une baisse sensible de la production de logements sociaux dans les territoires alors que les besoins sont très importants. Le fait que ce problème ne soit pas un sujet politique fort reste pour moi un facteur de surprise constant. Est-ce peut-être parce que 40% des ménages sont propriétaires ? C’est presque un ménage sur deux. Ou peut-être aussi parce que les gilets jaunes n’auraient pas parlé de logement ? Je ne suis pas d’accord avec cela. Nous les avons mal écoutés car tous les problèmes soulignés alors étaient intimement liés à la question du logement. Et le logement social est au cœur de tout cela.

Dans ce contexte difficile, quid de la question écologique ?

L’écologie va influer très lourdement sur les politiques du logement, et ce sur au moins trois points. Nous le constatons déjà avec la question de la sobriété foncière, cette fameuse ZAN (pour Zéro artificialisation nette, NDLR) qui pèse forcément sur la disposition du foncier. Il y a aussi la rénovation énergétique, laquelle pose de nombreuses questions d’ordre économique, social, patrimonial, générationnel même ! Qu’est-ce que c’est, par exemple, que de rénover sa maison quand on a 70 ans ? Enfin, le troisième volet, à savoir le bilan carbone de la construction neuve, est celui qui concentre des critiques de plus en plus voyantes. Un certain nombre d’acteurs issus des milieux économiques (Bercy) mettent en effet en cause le rythme de construction neuve au nom de tout un ensemble de choses dont l’écologie et la démographie. Il faut porter attention à ce type de propos, car nous allons les entendre de plus en plus souvent dans l’avenir. Ils généreront, je pense, des réflexions sur l’évolution des savoir-faire entre la construction neuve et la rénovation qui se traduiront par des transformations très lourdes pour l’ensemble des métiers.

Social- Revalorisation des salaires en 2024 : un mensonge

Social- Revalorisation des salaires en 2024 : un mensonge

Un curieux article du Figaro qui indique que 2024 pourrait permettre un rattrapage des salaires. Un papier très ambigu qui convient cependant que les années précédentes les salariés ont perdu beaucoup de pouvoir d’achat. En fait un papier pour servir la soupe au gouvernement voir au patronat et entretenir la confusion sur les écarts de salaires par rapport à l’inflation.

En effet les relèvements de salaires qui interviennent en 2024, autour de 4 % ne règlent nullement l’inflation de 2024 mais concerne les années précédentes. Or sur deux ans les salariés ont perdu réellement autour de 10 % de pouvoir d’achat et l’augmentation de début 2024 ne pourra en résorber une partie. Cela d’autant plus qu’on annonce un peu partout des augmentations de produits et services qui vont varier de 3 à 10 % avec une moyenne de 5 %.

À noter enfin qu’concernant l’inflation à l’indice des prix à la consommation largement obsolète compte tenu de la déformation des achats des ménages. Pour résumer, les dépenses contraintes prennent de plus en plus de place alors que les dépenses courantes elles diminuent en volume.

Salaires: encore moins en 2024

Salaires: encore moins en 2024

Les hausses de 2024 seront moins importantes que l’an dernier.
Les actifs risquent de voir leur pouvoir d’achat se réduire encore un peu plus, alors même que la Banque de France prévoit une inflation à 2,5 % en 2024.

Les augmentations ne dépasseront pas les 3,6 % pour les non-cadres et 3,4 % pour les cadres. C’est ce que révèle l’analyse faite par le Groupe Alpha, spécialiste des Ressources humaines, qui a passé au crible plus de 600 accords d’entreprises, dont plus de 400 ayant terminé leur négociations annuelles obligatoires (NAO). C’est-à-dire plutôt des grandes entreprises.

Selon l’observatoire LHH, la pratique d’augmentations générales est attendue dans 40 % des entreprises. Et ce sont surtout les populations d’ouvriers, de techniciens, d’ agents de maîtrise qui en bénéficieront : dans 8 entreprises sur 10 pour un taux médian de 3 % pour les ouvriers et 2,7 % pour les autres.

Pour les autres, et notamment les cadres, les employeurs cherchent plutôt à marquer les différences entre les salariés, et préfèrent user d’enveloppes individuelles. Ainsi, plus de 9 entreprises sur 10 prévoient des hausses personnalisées avec un taux médian de 2,5 %.

De fait, cette année, les actifs risquent de voir leur pouvoir d’achat se réduire encore un peu plus, alors même que la Banque de France prévoit une inflation à 2,5 % en 2024. En effet, même si elle ralentit, l’inflation se poursuit.

Ventes voitures électriques : la chute à prévoir

Ventes voitures électriques : la chute à prévoir

Selon une étude du cabinet Deloitte, seulement 9 % des Français interrogés désirent s’orienter vers un véhicule électrique pour leur prochain achat.

40 % des consommateurs français pensent à acheter un véhicule diesel ou essence comme future voiture, soit la même proportion que l’année dernière.
« 2023 ne nous amène pas vers une trajectoire sécurisée pour 2030 ». C’est la principale conclusion de l’étude réalisée par le cabinet Deloitte sur les consommateurs et le marché automobile. D’après celle-ci, cette année, seulement 9 % des Français envisagent un véhicule électrique comme prochain achat, soit 2 points de plus que l’année dernière.

Pour Deloitte, on a le sentiment que l’on a atteint « un plateau ».

Et la France n’est pas la seule à faire du surplace. En Asie, hors Chine, la part du thermique dans le futur achat de véhicule augmente de quelques points, idem pour l’Allemagne. À noter que l’étude a été réalisée avant l’arrêt brutal des aides pour les voitures électriques en décembre dernier Outre-Rhin, faisant plonger leurs ventes de 47 %.

La plus grande surprise pour le cabinet provient des Etats-Unis, où 67 % des Américains se tourneront vers une voiture à essence ou diesel pour leur prochaine voiture, contre 58 % en 2022.

Immobilier: catastrophe depuis 50 ans

Immobilier: catastrophe depuis 50 ans

Une Chute globale qui n’est pas seulement conjoncturelle avec une baisse d’environ 50 % de l’activité mais aussi structurelle avec la mise à l’écart de nombreux de couches moyennes pour l’accession à la propriété. Des taux évidemment trop hauts en ce moment (autour de 4 %) mais de toute façon des prix complètement prohibitifs inaccessibles.

Une catastrophe absolue. L’expression n’est pas trop forte pour qualifier l’année 2023 pour les promoteurs immobiliers. Tous les voyants sont au rouge. Les mises en chantier de logements de tous types ont chuté de 22 % l’an passé. Les permis de construire accordés par les collectivités locales ont suivi le même mouvement, avec un plongeon de 23,7 % sur douze mois. Les chiffres définitifs concernant les ventes de logements neufs ne sont pas encore connus, mais Pascal Boulanger, le président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), estime que «l’année 2023 s’est terminée sur une baisse d’activité pour les promoteurs immobiliers de près de 50 % par rapport à une année normale».

Les ventes devraient se situer entre 85.000 et 90.000 logements. Or, entre 2016 et 2019, les promoteurs vendaient en moyenne près de 165.000 logements par an. La dégringolade serait bien pire sans la – rare – mesure de soutien décidée par le gouvernement.

Société- Un désordre mondial appelé à durer

Société- Un désordre mondial appelé à durer

Dans un entretien à La Tribune Dimanche, François Lenglet explique les raisons pour lesquelles le désordre mondial est amené à durer dans La Tribune.

Dans votre dernier ouvrage*, vous décrivez les désordres du monde, en expliquant que cela devrait durer longtemps. Pourquoi ?

FRANÇOIS LENGLET- Les crises politique, géopolitique et inflationniste actuelles ont une seule et même cause. Nous vivons la fin de l’ordre planétaire hérité de la Seconde Guerre mondiale, et plus encore de la Chute du Mur, dominé par les États-Unis. C’est une période de transition, un phénomène récurrent dans l’histoire. Depuis la fin du XVe siècle, les maîtres du monde se succèdent sur des périodes d’environ 80 ans : France, Royaume-Uni… Ils régulent les relations entre pays, structurent la diplomatie et l’économie. Les transitions durent une vingtaine d’années, l’équivalent d’une génération. C’est le temps nécessaire au renouvellement des élites. L’autre scénario, c’est une guerre qui rebat les cartes du pouvoir. On l’a vu en France en 1815, quand la classe dirigeante issue de la Révolution et de l’Empire fut balayée par la défaite, ou en 1945, quand les leaders de la IIIe République ont quitté le champ politique après la Libération.

Les États-Unis et l’Allemagne sont-ils toujours nos meilleurs alliés ? L’un semble obnubilé par la Chine, l’autre par sa démographie…

Le cycle qui s’achève fut celui de l’hyperpuissance américaine, qui a donné lieu à la mondialisation. Celle-ci n’aurait pas pu se produire sans un maître du monde qui a fait disparaître le risque géopolitique, imposé ses normes et sa monnaie. La guerre d’Ukraine sonne la fin de ce cycle. Les opposants comme la Russie se dressent, le commerce devient difficile. La Chine va se fermer et les multinationales vont partir. On en voit chaque jour des signaux. La plupart des entreprises, lucides, s’y préparent. Les États-Unis demeurent toutefois le leader du camp occidental. Sans eux, l’Ukraine serait russe. Contrairement à ce qu’en pense Emmanuel Macron, il n’y a pas de voie indépendante pour l’Europe sans l’Amérique. Nous devons donc mutualiser nos forces avec eux. Constatons que la Pologne, qui aura un jour la première armée du continent, achète du matériel militaire américain. Pour sa part, l’Allemagne est un pays durablement affaibli, qui vit mal cette situation. Elle est pénalisée par sa dépendance au gaz russe et par son choix de sortir du nucléaire, qui l’éloignent de la France.

Selon vous, la Chine ne prendra pas le leadership de la planète car elle n’est pas désirable. Que voulez-vous dire ?

Plusieurs raisons à cela. Le maître du monde s’impose d’autant mieux qu’il fait envie. L’ Amérique a suscité admiration et soumission. C’est le monde libre par excellence, qui fait rêver par sa musique, son entreprenariat, ses champions de l’informatique, etc.

Son soft power est d’une efficacité redoutable. La génération du baby-boom fut américanisée avec l’influence de la culture, de la musique, du mode de vie. Et quand on est persécuté dans un pays, on se dit toujours qu’il sera possible de refaire sa vie aux Etats-Unis. Cette croyance ne fonctionne pas avec la Chine. Ce pays est au bout de sa croissance, il perd 7 millions d’actifs par an à cause de sa démographie déclinante. Et puis, qui veut aller vivre dans une dictature ? La plupart des Chinois riches ont un passeport américain. La réciproque n’est pas vraie. En conséquence, nous entrons dans une période sans maître du monde. Les anciens empires se reconstituent autour d’un leader régional fort. Les confrontations s’aiguisent.

Nous avons appris, avec Montesquieu ou Kant, que le commerce était le meilleur antidote à la guerre. Mais la guerre est revenue. Avons-nous mal commercé ?

Le « doux commerce » est une illusion fréquente. Le commerce crée des dépendances, par exemple pour l’approvisionnement en métaux rares, en médicaments, en biens de consommation courants… Lorsque vous êtes du bon côté, comme la France avec les États-Unis, vous n’en prenez pas conscience tout de suite. Les Américains s’en sont rendu compte et ils ont voté Trump. Le commerce n’altère pas les passions humaines. Il est secondaire par rapport au besoin d’identité, qui s’exacerbe lorsque les frontières sont ouvertes.

Le protectionnisme n’est-il pas toujours nationaliste, donc guerrier ?

Non, je ne le crois pas. Le nationalisme, c’est la guerre, comme le disait François Mitterrand. Pas le protectionnisme. La Suisse vit paisiblement derrière des frontières peu perméables. Le commerce international a certes atténué les inégalités entre pays mais il a accru les inégalités à l’intérieur des pays. Le protectionnisme consiste à prendre soin de sa communauté nationale, y compris des étrangers en situation régulière. Sinon, c’est l’essor du populisme et du nationalisme, qui profitent de la peur. La demande de protection est saine et légitime mais les partis socio-démocrates et libéraux ne s’en sont pas occupé. Roosevelt arrive au pouvoir en 1933 avec un discours social et protectionniste que l’on qualifierait aujourd’hui de populiste. Mais il ramène le pays dans le chemin de la démocratie et il devient le leader du monde libre. Il faut aller chercher les gens là où ils sont.

Les populistes en Europe sont peu « rooseveltiens ». Sont-ils voués à l’emporter, comme au Royaume-Uni ?

Le Brexit était une demande forte or elle a été exécutée par des incompétents, des aventuriers. Richi Sunak est plus malin que ses prédécesseurs. Il va tempérer le Brexit. Au regard de la classe politique anglaise qui s’était engouffrée dans le mensonge, je doute que le populisme ait un avenir. On le voit aussi en Pologne, où la droite radicale a perdu ou en Italie, où Giorgia Meloni a adapté son programme à la réalité. L’avenir, c’est que les partis humanistes traitent le désir de protection des gens. Les Anglais voulaient reprendre leur destin en mains, quoi de plus légitime ? La situation finira par se normaliser car la maison du Royaume-Uni, c’est l’Occident. Et sa place sur la scène internationale est celle d’une grande diplomatie.

Attendez-vous un nouvel ordre mondial ? Ou bien la crise est-elle, comme dit Edgar Morin, un état permanent de nos sociétés ?

Nous sommes dans un monde où chacun entend jouer sa partie. Cela va rester turbulent. Un nouvel ordre verra le jour. Le « Sud Global », autour des puissances chinoise ou indienne, dispose d’un avantage démographique majeur, principal déterminant des forces diplomatiques et militaires. L’Occident devra sans doute changer de stratégie, en forgeant des alliances au gré de ses intérêts plutôt que de s’imposer unilatéralement par la puissance, la domination ou la prédation. Un moment décisif aura lieu à Taïwan où la confrontation entre la Chine et les États-Unis va se dénouer. Les premiers font du retour de l’île dans leur giron un cas ontologique. Les seconds peuvent y perdre leur influence mondiale en matière de sécurité.

Malgré ces constats, vous entrevoyez une vie plus sereine, plus libre et plus épanouie dans le futur. Notamment par la semaine de quatre jours ou les nouvelles technologies.

Oui ! Pendant que les équilibres géopolitiques changent dans la tension, l’innovation schumpétérienne se poursuit, notamment avec l’IA. C’est un réservoir formidable de productivité. Donc de baisse du temps de travail – un processus multiséculaire – ou d’accroissement des richesses. L’innovation nous aidera aussi pour la décarbonation. Je suis donc optimiste. La technologie n’est jamais bonne ou mauvaise en soi, tout dépend de ce que nous en faisons.

* Combien de temps ça va durer, Plon, 2023
Propos recueillis par Nicolas Prissette

Immigration : la gauche hors-sol

Immigration : la gauche hors-sol


L’épisode politique autour de la loi relative à l’immigration marque une défaite cinglante pour la gauche, dont l’impuissance à peser sur les débats est patente, analyse dans sa chronique Philippe Bernard, éditorialiste au « Monde ».

« Il n’y a pas de plus grave problème que celui de la main-d’œuvre étrangère », écrivait Jean Jaurès à la « une » de L’Humanité du 28 juin 1914, un mois avant d’être assassiné. Se référer aujourd’hui à la sentence du grand dirigeant ouvrier à la veille de la première guerre mondiale, dans un contexte politique lointain, peut sembler anachronique. Pourtant, cette phrase résonne comme un rappel à l’ordre à l’heure où les silences de la gauche sur l’immigration renvoient à sa coupure avec les classes populaires happées par l’extrême droite. D’autant que sonnent étonnamment actuelles les orientations du leader de la gauche d’alors : « assurer la liberté et la solidarité au prolétariat de tous les pays », « pourvoir aux nécessités de la production nationale qui a souvent besoin (…) d’un supplément de travailleurs étrangers » et « empêcher le patronat » d’utiliser ces derniers pour « évincer du travail les ouvriers français et avilir leurs salaires ».

La piqûre de rappel de Jaurès sur une vision « de gauche » du contrôle de l’immigration, conciliant internationalisme et défense des prolétaires, n’est pas inutile après la décision du Conseil constitutionnel qui a taillé en pièces la loi sur l’immigration. Si cette censure partielle traduit d’abord le cynisme d’un exécutif laissant aux juges le « sale boulot » d’annuler des dispositions dont il mettait lui-même en avant l’inconstitutionnalité, si cette pantalonnade est pain bénit pour l’extrême droite, pour sa dénonciation du « gouvernement des juges contre le peuple » et de la Constitution « qui empêche de maîtriser l’immigration », l’épisode marque aussi une défaite cinglante pour la gauche, dont l’impuissance à peser sur les débats est patente.

Ni le trompe-l’œil de la décision des neuf juges de la Rue de Montpensier, qui invalide des mesures dénoncées à gauche, ni les modestes manifestations contre une « loi raciste » ne sauraient masquer la mise à l’écart des progressistes sur un sujet – l’immigration – où ils ont longtemps donné le « la ». En déposant une motion de rejet, en la votant avec l’extrême droite, le 11 décembre 2023, et en exultant après son adoption, alors qu’elle ouvrait un boulevard à la droite xénophobe, la plupart des députés de gauche ont surtout manifesté le lâche soulagement d’avoir évité un débat sur lequel ils sont eux-mêmes divisés et ont perdu pied.

Il serait temps, pourtant, d’assumer le constat posé voilà plus d’un siècle par Jaurès sur les enjeux économiques et sociaux – et pas seulement moraux, culturels ou identitaires – de l’immigration…

Wokisme: danger pour la démocratie

Wokisme: danger pour la démocratie

Dans son dernier livre, Chloé Morin, politologue, mesure le danger que représente le wokisme pour la démocratie( interview dans la « Tribune »)

Le wokisme, ou « éveil », déchaîne les passions entre les extrêmes. Comment définissez-vous ce phénomène, sachant que les militants eux-mêmes n’utilisent pas ce mot ?
CHLOÉ MORIN – Il est vrai que nous sommes face à une nébuleuse de pensées, qui comprend notamment le néoféminisme et le décolonialisme. Il n’existe pas de définition qui fasse consensus dans le monde académique. Pour moi, le wokisme est une vision manichéenne, où le monde se compose uniquement de dominants et de dominés, chacun étant enfermé dans sa case étanche et sans autre perspective que le conflit. Les dominants, ce sont les hommes, l’Occident, Israël… Les dominés sont les femmes, les anciennes colonies, les Palestiniens… L’objectif poursuivi est simple : renverser les rapports de domination. Ce mode de pensée s’est installé dans les débats, dictant l’agenda médiatique grâce à une grande maîtrise des codes des réseaux sociaux et des médias d’information continue. Les activistes wokes considèrent que la fin justifie tous les moyens. Ainsi, ils n’hésitent pas à piétiner la présomption d’innocence, ou encore à intimider leurs cibles : des pièces de théâtre et des conférences ont été empêchées, la censure gagne dans l’édition et le cinéma, dans les entreprises. Par peur de représailles, de plus en plus de citoyens n’osent plus exprimer leur désaccord.
Cette forme d’intégrisme est-elle répandue, au-delà de quelques universités ?

Les uns croient que le phénomène est en passe d’envahir tous les pans de la société. À l’opposé, les autres disent que cela reste très marginal, voire inexistant. La preuve, personne ne se revendique comme étant woke. Dans mon livre, je tente d’établir une mesure de l’audience du wokisme à travers un sondage réalisé avec Opinionway. J’ai demandé aux Français de se positionner par rapport à des affirmations typiquement néoféministes, décoloniales, etc. Résultat, 4 % sont d’accord avec toutes les idées du wokisme. C’est le noyau dur. En revanche, certaines sont beaucoup plus répandues qu’on ne pourrait le croire. Ainsi, les assertions concernant les violences sexistes et sexuelles sont largement partagées, une personne sur cinq soutient le principe de réunions non mixtes et davantage encore sont favorables à la censure d’œuvres contenant des termes racistes.
Comment expliquez-vous cette radicalité ?
On touche ici à des sujets auxquels les Français sont attachés : la lutte contre les discriminations, l’égalité, le combat contre le sexisme et ses violences. Ces causes nourrissent une forme d’impatience, notamment chez les plus jeunes. Et, pour certains, comme je le disais, la fin en vient à justifier tous les débordements, même les moins démocratiques. Notre héritage révolutionnaire ou l’exemple du trotskisme devraient pourtant nous rappeler que, lorsqu’on utilise tous les moyens au service d’une cause messianique, cela ne se finit jamais très bien… On écrase sans états d’âme la présomption d’innocence, les principes du contradictoire nécessaires à des procès équitables, l’habeas corpus, l’universalisme des Lumières… Ce sont bien les moyens, davantage que les objectifs poursuivis, qui distinguent le wokisme de la gauche républicaine et universaliste.
Ce clivage entre l’action directe et la négociation a toujours existé à gauche, depuis les mouvements ouvriers du XIXe siècle…

Les jeunes se tournent vers le wokisme parce qu’ils croient que la gauche sociale-démocrate a échoué à combattre les discriminations. Or l’égalité est au cœur du logiciel de la gauche. Le problème, c’est que le chemin emprunté par les activistes risque de disqualifier l’ensemble de ceux qui se battent pour la faire progresser. Car enfin, la question mérite d’être posée : qui profite du rejet grandissant du wokisme ? Les conservateurs et tous ceux qui disqualifient le combat pour l’égalité ! La gauche républicaine doit reprendre le dessus, regarder en face ces dérives, et s’en détacher clairement. Sinon, j’ai la certitude qu’elle ne reviendra pas au pouvoir avant de très longues années.
Sont-ils vraiment dangereux ou simplement zélés et bruyants ?
Outre le fait qu’ils pourraient condamner durablement à la marginalité le combat pour l’égalité, ils ont de nombreux effets nocifs. On juge acceptable de remplacer une injustice par une autre. On balance des noms sur les réseaux, on détruit des carrières et des réputations. Le directeur de Sciences-Po Paris, Mathias Vicherat, n’est ni visé par une plainte, ni encore moins condamné, mais on exige sa démission séance tenante au nom d’une certaine idée de l’exemplarité. Nicolas Bedos, qui n’a été ni jugé ni condamné par la justice, se voit interdire par Amazon de faire la promotion de sa série Alphonse, mais aussi, avec lui, l’intégralité du casting, de Jean Dujardin à Charlotte Gainsbourg. On censure, on efface, on intimide, on dénonce… La justice s’est construite pour mettre fin, notamment, à la vengeance privée. Et voilà qu’on revient, avec l’aide précieuse des réseaux sociaux et la complicité active de certains médias, au Moyen Âge.
S’agit-il d’erreurs d’interprétation ou de lacunes dans la connaissance du monde ?

En matière de droits des femmes, nous avons beaucoup progressé en peu de temps. Notre sensibilité accrue au sujet pousse à être toujours plus exigeants, c’est normal. Songeons qu’il y a encore dix ou quinze ans, quand une femme voulait déposer une plainte pour viol, on lui demandait si elle s’était vraiment assez débattue !
Vous soulignez aussi l’antisémitisme de la pensée woke.

Elle considère que l’État hébreu est un colonisateur, et ne tient aucun compte des circonstances de sa naissance, à savoir la Shoah. Les Juifs sont des dominants (des Palestiniens), et ne peuvent donc pas être en même temps des victimes. Donc l’antisémitisme n’existe pas, c’est un point aveugle de la pensée woke. C’est pour cela aussi qu’ils ne condamnent pas le terrorisme du Hamas. Je note aussi que le patriarcat est toujours dénoncé, sauf le patriarcat musulman. Car, pour eux, les musulmans font partie des dominés.
A-t-on échoué à transmettre les valeurs universalistes aux jeunes générations? Les parents nés dans les années 1960 ou 1970, qui ont vu chuter le communisme, ont-ils cru que le progrès irait de soi ?
Oui, le wokisme fait partie des conséquences d’un échec de la transmission de nos valeurs et principes fondamentaux. Rendez-vous compte : au pays de Charlie, la moitié des Français pensent qu’on ne devrait pas critiquer les religions ! Or l’idée qu’il ne faudrait jamais offenser quiconque est d’une grande perversité : c’est la fin du débat public. Il y aura toujours quelqu’un pour se dire offensé par vos propos. Si le ressenti individuel devient la limite de toute expression, alors tout le monde se taira. On aboutit à une dictature horizontale.
Dans votre livre, vous racontez vos entretiens avec Marine Le Pen, Sandrine Rousseau et Édouard Philippe. Pourquoi les avoir sollicités, eux, dans votre travail ?
Nous sommes tous prisonniers du présent. Or le rôle des responsables politiques est de dessiner l’avenir. Il m’est apparu normal d’interroger deux personnalités qui pourraient un jour diriger le pays, ou encore Sandrine Rousseau, car elle est souvent cataloguée woke (à tort), avec une pensée vraiment intéressante.
Édouard Philippe estime que le wokisme disparaîtra tout seul…
Ils finiront par s’entre-dévorer à long terme. La quête d’absolu ou de pureté est infinie, il y a toujours plus pur que soi… Mais dans l’avenir immédiat, si les modérés ne s’expriment pas, les adversaires de la gauche utiliseront cet épouvantail pour disqualifier l’ensemble de ses causes. L’égalité est un cheminement, elle n’est jamais acquise. Un grand bond en arrière est possible.

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