France : un pays ingérable ?
Comment voulez-vous qu’on dirige un pays qui produit 1000 fromages ? Cette boutade du général De Gaulle rendait déjà compte des difficultés à gouverner un pays éclaté dans de nombreux domaines. Pays tellement éclaté qu’on peut se demander si la France est réellement gouvernable. Elle est en effet en opposition dans de nombreux champs politiques, économiques, sociaux et sociétaux.
En plus avec la crise, chacun recherche des formes de réassurance existentielle dans sa chapelle. Exemple les fonctionnaires d’un côté, les salariés du privé de l’autre. Les populations des métropoles et les populations un peu éloigné des centres urbains. Les retraités et les actifs. Etc.
Sociologiquement la France est de plus en plus divisée en trois grands pôles. Les moins favorisés dans les fins de mois commencent le 15 ou le 20 et qui sont assommés par les dépenses contraintes de plus en plus fortes ( logement ,transport, services, abonnements). Une couche moyenne qui tend à s’appauvrir et par exemple qui va se trouver rapidement complètement exclue des perspectives d’acquisition d’un logement. Une transformation tout à fait fondamental par rapport au passé. Mais dans le même temps des couches favorisées autour de 10 % de la population: mobile, cultivée, consumériste et qui s’adapte parfaitement au rythme des changements notamment technologiques.
Politiquement, la France est coupée en quatre avec la gauche même éclatée, un centre, et une extrême droite. Aucune de ces forces ne peut gouverner seule. C’est bien le drame de Macron ligoté par son introuvable majorité. Les élections européennes devraient confirmer cet éclatement politique.
Mais la grande déficience de la France et son incapacité à élaborer collectivement une analyse partagée des forces et des faiblesses du pays. De sorte que chacun vit sur des fantasmes de chaque tendance, chaque sensibilité et que les orientations quand elles existent deviennent vite obsolètes face à la réalité.
Ce constat partagé est pourtant urgent car rien ne peut se construire de solide et de durable sur des bases faussées.
Parmi les priorités, il y aurait sans doute à faire un bilan pertinent des couches administratives et politiques nombreuses qui permettent à la classe politique d’exister mais qui paralysent le pays. Sans doute faudrait-il faire le ménage et sérieusement définir les champs d’intervention réellement régaliens y compris en en confiant certains aspects à des délégations de service public ( ce qui se pratique tous les jours par exemple pour le transport scolaire ou le transport urbain). Contrairement l’idée répandue, la décentralisation n’allège en rien le millefeuille administratif. Bien au contraire, on a multiplié les niveaux d’intervention et évidemment d’imposition sans réelle bénéfices supplémentaires pour l’usager citoyen. Un seul exemple on peut constater que des armées de jardiniers, la plupart fonctionnaires, s’occupent des plates-bandes publiques dans le moindre village. Dans cette activité comme dans bien d’autres plus personne ne maîtrise rien : investissements, effectifs, fonctionnement.
On pourrait sans dommage diviser par deux les structures administratives et politiques et cela d’autant plus que pour les grands projets les études sont sous-traitées à des sociétés de conseil qui savent entretenir leur fromage sans que les élus -souvent- ne comprennent grand-chose.
L’autre priorité est évidemment l’économie avec la liquidation de l’industrie et l’idée folle qu’on pourrait exporter des produits fabriqués ailleurs avec des marges substantielles. Résultat, les pays en développement s’approprient les technologies et la maîtrise des processus de vente comme pour l’automobile chinoise. On accuse souvent à raison le poids de la fiscalité qui pénalise la compétitivité mais on parle peu de l’autre facteur concernant la qualité et la compétitivité du travail en France. Pas étonnant , on a découragé tout le monde ou presque de se tourner vers l’industrie au profit des services.
Les facteurs explicatifs du déclin français sont nombreux et ils interagissent entre eux de manière systémique. Par exemple le système scolaire en pleine déconfiture globalement même si comme d’habitude l’élite s’en sort. La France parle d’énergies nouvelles mais elle a été contrainte de recourir le plus souvent à des sociétés étrangères pour les installer et les faire fonctionner. Même à EDF on a recruté des soudeurs américains pour la réfection des centrales nucléaires.
La France a besoin de travailler plus et mieux et les décisions qui ont conduit à la retraite à 60 ans puis à la durée hebdomadaire à 35 heures ont précipité le déclin économique mais aussi moral du pays. La valeur travail devenant désormais accessoire voire condamnable parfois.
La France avec l’Europe d’ailleurs a loupé le virage des grandes nouvelles technologies; les nouvelles plates-formes sont tous étrangères et même l’intelligence artificielle nous échappent alors que c’est un outil révolutionnaire.
Ne parlons pas des questions de sécurité, de violence, de justice ou pire d’adhésion aux valeurs de la république.
Bref avant l’action et les promesses, l’urgence et de comprendre ensemble.
Ce n’est pas tellement la personnalité du dirigeant central qui compte mais le projet collectif partagé. Faute de cela, le prétendant à la magistrature suprême se trouvera rapidement, comme les autres, ficelé par les superstructures de tous poils qui privilégient le corporatisme au détriment de l’intérêt général.
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