Politique et Conseil présidentiel de la science : Encore un gadget pour déstabiliser les institutions du régime
Pour anodine que puisse paraître la mise en place d’un groupe de scientifiques destiné à éclairer le chef de l’Etat, cette initiative augmente le nombre des intermédiaires dans la prise de décision, en marge de la Constitution, relève, dans une tribune au « Monde », le juriste Thibaud Mulier.
Ce jeudi 7 décembre, le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé la création d’un conseil présidentiel de la science composé de douze membres qui ont été installés en dehors de la logique collégiale de nomination par les pairs caractéristique des milieux scientifiques. Un de plus. Conseil présidentiel pour l’Afrique, des villes, du développement… et pour finir, de la science. Il faut dire que le chef de l’Etat apprécie ces instances ad hoc à l’appareil gouvernemental, déclinées à l’envi et créées ex nihilo, pour l’« aider dans l’orientation, l’alerte et le suivi des décisions prises ».
Un autre choix aurait pu être fait pour gouverner avec les savoirs existants, comme celui de créer une autorité administrative indépendante en la matière, ou bien de nommer un conseiller scientifique auprès du gouvernement. Pour autant, quiconque s’intéresse à ces questions ne s’étonnera pas vraiment de ce choix. Depuis longtemps, nous sommes habitués à l’interventionnisme présidentiel tous azimuts. Les déclinaisons des conseils de défense écologique, sanitaire ou énergétique le rappellent sans ambages.
Pour le chercheur, ce choix nourrit, au mieux, un certain scepticisme devant une telle marque d’intérêt pour son activité, alors que le conseil stratégique de la recherche (créé en 2013 et placé auprès du premier ministre) n’a pas été réuni une seule fois depuis l’accession au pouvoir du président Macron ; au pire, de l’indifférence, tant la souffrance du milieu de l’enseignement supérieur et de la recherche est documentée de longue date. Pour le constitutionnaliste, en revanche, la création de cet énième conseil présidentiel a de quoi interpeller, pour ne pas dire inquiéter.
Elle interpelle dans la mesure où le président Macron poursuit la pratique du « gouvernement par conseil » qui s’inscrit dans le temps long de l’histoire. Sous la monarchie, il était question de polysynodie, souvent attachée à la période de régence, mais qui constituait aussi un système de gouvernement par conseil, la plupart du temps intermittent, doté d’attributions diverses en fonction de sa déclinaison. La politiste Delphine Dulong a mis en évidence que la pratique des « conseils restreints » a été privilégiée pendant les premières décennies de la Ve République, afin de faciliter, justement, l’immixtion du président de la République dans le travail gouvernemental.
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