Paix et climat sont liés
L’approche de la COP28 organisée à Dubaï à la fin du mois, nous amène à faire un constat alarmant : les conflits violents relatifs à l’accès à l’eau ont décuplé depuis les années 2000. Par Inge Brees, Responsable principale du plaidoyer Search for Common Ground et Harriet Mackaill-Hill, Conseiller en plaidoyer pour le climat et la paix, International ( dans La Tribune)
À l’instar des promesses, faites lors des accords de Paris, tel que le maintien de l’augmentation de la température globale en dessous de 1,5 degré, un aspect important du combat climatique était absent des débats, la sensibilisation aux conflits et l’approche réactive à la paix.
En tant qu’organisations dédiées à la résolution des conflits et à la consolidation de la paix, nous faisons quotidiennement face aux nombreuses tensions qui découlent des conséquences du dérèglement climatique et qui se muent souvent en conflits violents : la crise de l’accès à l’eau au Yémen, aux litiges relatifs à la propriété foncière au Kirghizstan, ou encore, aux violations répétées des droits des humains durant les opérations minières en RD Congo. Au cours du siècle dernier, les défis liés à la dégradation de l’environnement et à l’épuisement des ressources naturelles sont devenus de puissants catalyseurs de l’insécurité mondiale et des conflits violents.
Le lien entre le changement climatique et les conflits n’est plus à démontrer, mais les débats politiques autour des solutions potentielles manquent d’ambitions. Cependant, pour la première fois dans l’histoire des sommets sur le climat, la paix est prise en considération avec l’organisation d’une journée dédiée, le 3 décembre 2023. Cette initiative survient à un moment critique et opportun. Au cours des prochaines décennies, des milliards de dollars vont être dépensés pour remédier aux dégâts occasionnés par les dérèglements climatiques, toutefois, avec une répartition inégale des financements, en laissant à l’abandon les communautés les plus vulnérables face à ses dégâts climatiques, en particulier celles qui résident dans les zones conflictuelles.
Ce constat aliène les perspectives innovantes d’avancements et de collaboration entre les gouvernements, les institutions et les sociétés civiles, indispensables pour alerter sur les risques analogues à la sécurité du climat. Il est indéniable que le succès des politiques climatiques a des portées non seulement sur la réduction des émissions, mais avant tout, sur l’émergence de la paix. De ce fait, les interventions menées doivent s’adapter aux contextes spécifiques et aux dynamiques des conflits pour éviter des conséquences désastreuses pour les populations.
L’exemple de la ruée vers les matières premières est pertinent
La transition indispensable vers une société faible en émissions de carbone a entraîné une demande croissante de minéraux essentiels à la production de panneaux solaires, d’énergie éolienne, de voitures électriques, etc. Malheureusement, l’exploitation minière nécessaire pour répondre à cette demande a souvent des conséquences désastreuses sur l’environnement et les populations locales : l’exploitation humaine, le défrichement des terres, les conflits entre les acteurs à grande et à petite échelle, etc. La majorité de la réserve mondiale de cette matière première est localisée dans des régions du monde à haut risque de basculer dans des conflits. Pourtant, cette réalité ne doit pas constituer un argument pour rester dans le statu quo d’un mode de fonctionnement qui accentue la pollution.
Sortir progressivement des combustibles fossiles est la seule voie acceptable, mais pas à n’importe quel prix. Il est impératif de trouver des alternatives aux processus d’extractions actuels, et d’y prioriser le respect des personnes et de la planète. La transition verte doit inclure la sensibilisation aux conflits, et ainsi prévenir l’ avènement d’ autres conflits.
L’annonce du Fonds pour les Pertes et Dommages lors de la COP27 à Sharm El-Sheikh a été saluée comme une victoire dans la lutte pour la justice climatique. Ce fonds vise à indemniser les populations gravement touchées par la crise climatique et à mettre les grands pollueurs face à leurs responsabilités. Cependant, des compromis sur des aspects cruciaux du fonds doivent encore être trouvés, tels que la localisation, la structure, les sources de financement, et les bénéficiaires. De plus, ces mécanismes de financement devraient prioritairement profiter aux populations les plus affectées par le changement climatique, en se concentrant sur les zones vulnérables et sujettes aux conflits.
Inclure une journée thématique consacrée à la paix lors de la COP28 préfigure d’une dynamique indispensable. Néanmoins, ce geste doit représenter l’amorce d’ un dialogue, et non pas une fin en soi. L’importance de la sensibilisation aux conflits dans le renforcement de l’action climatique, dans les zones conflictuelles, doit faire partie des discussions, et intégrée dans les accords et programmes promulgués. Les gouvernements, les ONG, les bailleurs doivent collectivement procurer un support financier aux luttes climatiques qui intègrent la sensibilisation aux conflits. Il est important que ces efforts soient menés en étroite collaboration avec les communautés locales qui ont une connaissance approfondie du contexte et des solutions adaptées. En effet, si le changement climatique peut être un facteur de conflit, il représente également une opportunité de rassembler les populations au-delà des clivages en relevant ce défi existentiel commun. Ce faisant, il favorise la consolidation de la paix. En fin de compte, c’est une situation gagnant-gagnant, n’est-ce pas ?
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