La justice sans les citoyens
Alors que le Conseil constitutionnel a été saisi d’un recours contre la loi de 2021 instituant les cours criminelles départementales, François-Louis Coste, avocat général honoraire, estime dans une tribune au « Monde » que leur maintien revient à faire disparaître notre lien de citoyenneté avec la loi.
Tous les juristes l’ont affirmé après Montesquieu (1689-1755), et les révolutionnaires l’ont inscrit dans la loi en 1791 : le peuple souverain est le seul juge légitime. Pour les délits, il a fallu en faire l’économie ; mais pour les crimes il n’avait jamais été question, jusqu’alors, de faire juger les crimes de droit commun par les seuls magistrats professionnels, c’est-à-dire par des cours d’assises sans jurés.
Ces cours, dites criminelles départementales, ont été instituées par la loi du 22 décembre 2021 « pour la confiance dans l’institution judiciaire » comme des juridictions intermédiaires entre les tribunaux correctionnels et les cours d’assises classiques, avec lesquelles elles gardent cependant un lien puisque ces dernières sont leurs juridictions d’appel.
Le Conseil constitutionnel, saisi d’un recours contre cette loi, a entendu les arguments qui la critiquaient, ainsi que ceux qui s’employaient à y répondre. Mais l’un des plus graves reproches que l’on puisse faire à cette loi n’a pas été clairement exposé. Qu’il soit permis à un ancien représentant du ministère public d’y revenir.
Pas de justice sans citoyen
Le lien symbolique qu’énonce l’article 6 de la Déclaration de 1789, « la loi est l’expression de la volonté générale », mérite approfondissement d’autant plus que notre Constitution commence en disant que « Le peuple français proclame solennellement son attachement » aux principes de cette Déclaration. Ce lien est donc essentiel et fondamental, car s’il n’y a pas de justice sans loi, il n’y a pas de loi sans citoyen, donc pas non plus de justice sans citoyen.
Par-delà l’apparent simplisme, ce syllogisme renferme toute la symbolique du débat judiciaire. Celui-ci est organisé pour sanctionner la transgression de la loi commise par un citoyen, donc par l’un des coauteurs de cette loi. Il se déroule comme en écho au débat parlementaire qui a élaboré et adopté la loi.
0 Réponses à “La justice sans les citoyens”