Palestine-« Le chemin de la paix » ?
Mohed Altrad, président du géant du BTP du même nom et du club de rugby de Montpellier, d’origine Bédouine, partage ses espoirs. Malgré la situation dramatique au Proche-Orient, il se projette dans l’issue du conflit en appelant notamment les Européens à accompagner Israël et la Palestine dans la voie de la résolution. ( chronique dans la Tribune)
Qui veut la paix prépare la guerre, dit l’adage romain. Aujourd’hui, il faut penser à la paix puisque l’on a la guerre. Et la paix, on peut la trouver dans l’histoire du Proche-Orient autant que l’on bute toujours sur la guerre. Je connais cette région, j’y suis né, dans l’est de la Syrie : je connais les passions des hommes, la terre toujours disputée, l’eau qui manque et qui crée des conflits. Je connais aussi l’âpreté de la vie dans une région faite de désert et de pierres où l’histoire a forgé les caractères, empêché souvent les compromis, érigé des barrières, ethniques, culturelles, religieuses, sécuritaires et politiques.
Faut-il pour autant s’arrêter là ? La guerre du 7 octobre, les attaques terroristes du Hamas, l’effroyable bombardement de Gaza et de sa population civile pour éliminer les responsables du Hamas, l’émotion mondiale qui entoure ce conflit… Faut-il considérer que ces événements vont obstruer définitivement le chemin de la paix ? Non, je ne le crois pas. On sait que ce chemin est le plus périlleux qu’il soit. On sait que les assassins d’Anouar el-Sadate ont voulu décourager tous ceux qui voulait l’emprunter. On sait que les assassins d’Itzhak Rabin ont tué, outre le grand Premier ministre israélien, l’espoir de paix. Aujourd’hui, c’est le parti de la guerre qui triomphe, le parti des assassins de la paix. Pour autant, il faut garder espoir.
Espoir dans la raison : qui peut croire, après ce qu’il s’est passé le 7 octobre et la réponse israélienne, que la solution, ce sera encore plus de guerre ? L’émotion domine aujourd’hui et c’est normal. Mais demain, la raison reprendra peut-être le dessus. Et le chemin de la paix sera à nouveau emprunté par des femmes et des hommes de bonne volonté.
Espoir aussi dans l’Histoire : les Français et les Allemands ont réussi à se réconcilier. C’est le rôle des Européens de raconter leur histoire aux Israéliens et aux Palestiniens. Ces derniers vivent une quasi-guerre civile. Et l’on sait que les guerres civiles sont toujours les plus atroces, les plus violentes, les plus cruelles. Quoi de pire que s’entretuer avec ses voisins ? Au Rwanda, en Algérie, dans l’ex-Yougoslavie, les pires exactions ont été commises. Mais, les guerres civiles doivent aussi trouver une fin, plus vite en général que les autres. Pour que la vie reprenne. Le conflit israélo-palestinien a plus de cent ans : il a commencé avec la déclaration Balfour de 1917. Il a besoin d’une solution : soit la réconciliation comme en Algérie, soit la séparation comme dans l’ex-Yougoslavie. Soit les deux avec un État binational.
La voie évoquée depuis longtemps est la séparation : encore faut-il que l’État palestinien soit viable. Et que l’on trouve des leaders des deux côtés pour le faire advenir. C’est le rôle des dirigeants israéliens et palestiniens. C’est le rôle aussi des Américains et des Européens, malgré leurs désaccords et leur effacement diplomatique, parce qu’ils ont l’expérience des réconciliations.
En France, l’urgence, c’est la concorde, la fraternité entre citoyens, quelques soient leurs confessions et leurs origines. Pour y arriver, une seule solution : passer par la souffrance de l’autre. C’est le seul moyen de le comprendre. Laissons les anathèmes loin, le plus loin possible. Mettons de côté la recherche des arguments faits pour détruire. Écoutons la partie que l’on croit adverse. Son histoire, ses souffrances. Ecoutons modestement. Fraternellement. Et laissons la place à la paix. Elle est plus féconde que la guerre.
Mohed Altrad, président du groupe Altrad et du Montpellier Hérault Rugby
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