Afrique : des pays qui se portent mieux

Afrique : des pays qui se portent mieux

Dans une longue interview dans la Tribune Jihad Azour, directeur de la région Afrique du Nord, Moyen-Orient et Asie centrale et Luc Eyraud, chef de division en charge des études économiques sur la zone Afrique subsaharienne, Signale que des pays en Afrique ce porte mieux en dépit du ralentissement international (extrait)


Pour la première fois, le FMI a publié un rapport spécial sur l’ensemble du continent – en plus des traditionnelles perspectives économiques sous-régionales – soulignant notamment les perturbations liées au séisme survenu au Maroc, aux inondations en Lybie et au cyclone au Malawi. Pour quelles raisons ? Est-ce la première édition d’autres publications à venir ?

JIHAD AZOUR – La tenue sur le continent africain – plus précisément au Maroc – des réunions annuelles du FMI et de la Banque mondiale, 50 ans après leur organisation au Kenya, était pour nous une occasion exceptionnelle de marquer cet anniversaire en donnant une image globale de l’Afrique. D’autant que nous croyons fermement que ce continent, avec son potentiel, mérite d’avoir à la fois une vue d’ensemble. Il s’agit également à travers ce rapport, de renforcer les échanges et l’information entre l’Afrique subsaharienne et l’Afrique du Nord. Récemment d’ailleurs, nous avons fait plusieurs publications panafricaines : sur le commerce et l’importance du libre-échange, la question climatique, etc. Nous en ferons de plus en plus, afin de montrer le potentiel du continent dans sa globalité et soulever les questions qui sont pertinentes pour les deux rives de l’Afrique.

Malgré le recul de la croissance du continent que vous prévoyez globalement à 3,15% (3% en Afrique du Nord et 3,3% au Sud du Sahara) en 2023 contre 3,9% l’an dernier, l’Afrique reste au-dessus de la moyenne mondiale (3%), loin devant l’Europe (0,7%) et l’Amérique (2,2%). Quels sont les pays qui portent cette dynamique ?

JIHAD AZOUR : L’année 2023 est une année de transition. Il y a eu une forte reprise après la crise Covid, surtout en 2022 où les taux de croissance étaient élevés. Cependant, la lutte contre l’inflation aux niveaux mondial et national, mais aussi le ralentissement économique qu’ont connu certaines zones du monde, ont pesé sur l’Afrique du Nord. En dépit de cela, le niveau de croissance était meilleur que dans certains autres pays du monde grâce à plusieurs éléments : le premier est en lien avec le dynamisme observé dans quelques pays ou dans certains secteurs. Le secteur du tourisme, à titre d’exemple, a bénéficié d’une reprise assez forte en 2023. Le secteur agricole a partiellement permis à la Tunisie et au Maroc d’avoir une croissance meilleure. Un pays comme l’Égypte – qui dispose d’une grande économie et d’un fort potentiel – a connu un ralentissement cette année, mais les perspectives pour l’année prochaine présagent une reprise de la croissance. La dynamique est donc portée par quelques secteurs et par quelques pays. En outre, la hausse du prix du pétrole et du gaz a permis à un pays comme l’Algérie de voir son secteur énergétique reprendre des couleurs en 2023.

LUC EYRAUD – En Afrique subsaharienne de manière générale, les pays qui s’en tirent le mieux ont une structure de production diversifiée et maintiennent un rythme de croissance d’à peu près 6%, si on prend la moyenne 2022, 2023, 2024. En revanche, les pays producteurs de matières premières – dont le rythme de croissance sur la période affiche une moyenne proche de 3% – sont plutôt ceux qui s’en tirent le moins bien. On a donc quasiment une croissance deux fois plus forte dans les pays diversifiés par rapport aux pays dont l’économie est fondée sur l’exploitation des matières premières. Il est toutefois intéressant de noter que cette divergence de performance entre ces deux groupes existe depuis au moins le début des années 2010. Celle-ci s’est maintenue et ne devrait pas changer de sitôt selon nos projections. En 2023 à titre d’exemple, des pays diversifiés comme la Côte d’Ivoire, le Mozambique ou le Rwanda sont au top de la distribution de la croissance. Au bas du tableau, figurent soit des pays fragiles, soit des pays producteurs de matières premières, mais aussi l’Afrique du Sud qui a une croissance très faible cette année suite à ses problèmes électriques.

Luc Eyraud

La diversification est donc la clé de la croissance en Afrique…

LUC EYRAUD : Tout à fait. Je dirais deux choses : premièrement, la diversification est très importante, mais c’est un objectif de moyen terme. Un pays ne peut pas se diversifier du jour au lendemain. Ainsi, les pays riches en matières premières devront commencer par améliorer la gestion de leurs ressources, le Botswana montre l’exemple. Cela implique plus de transparence, une meilleure gouvernance, une lutte plus évidente contre la corruption, des politiques d’amélioration de la compétitivité et de la gestion des charges du secteur public, en favorisant l’émergence du secteur privé, ainsi que la mise en œuvre de stratégies claires de diversification. Tout cela, afin d’éviter ce qu’on appelle dans le jargon « la malédiction des ressources naturelles ».

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