Le gouvernement ignore la crise du logement
Le gouvernement est sourd et ignore la crise du logement estime Muriel Boulmier, la présidente de l’Union régionale de nouvelle Aquitaine.Interview dans la Tribune
LA TRIBUNE – Quelle est la situation du logement social en Nouvelle-Aquitaine en cette rentrée 2023 ?
MURIEL BOULMIER – Le contexte est difficile pour les organismes HLM comme pour tous les acteurs du logement. On a le sentiment que le gouvernement est sourd face à la crise du logement et aux attentes des populations. Pour le logement social, la crise est importante car l’effondrement de la construction de logements neufs entrave la mobilité résidentielle : avec l’inflation et la baisse du pouvoir d’achat, les locataires du parc social n’en sortent plus ! Dans ce contexte, on a en 2023 une programmation de moins de 9.000 nouveaux logements sociaux ! C’est très faible en comparaison des 11.000 logements annuels d’avant le Covid.
Le problème c’est qu’à l’autre bout de la chaîne, il y a des demandes toujours plus nombreuses d’entrer dans le parc social. Au niveau régional, on a 172.000 demandes de logements sociaux en attente, contre 139.000 il y a trois ans. À Bordeaux Métropole, on est à 47.000 contre 42.000 en 2020… C’est une véritable embolie, particulièrement dans l’agglomération bordelaise et sur la côte basque.
Quelles sont les racines du problème ?
Le taux du livret A, sur lequel sont assis ceux des prêts aux organismes HLM, a été multiplié par près de sept tandis que les loyers que nous percevons sont encadrés, et c’est bien normal. Mais parallèlement, la réduction de loyer de solidarité (RLS) imposée par l’Etat est maintenue alors que demandions qu’elle soit amoindrie ou suspendue le temps que le taux du livret A redescende. Pour la Nouvelle-Aquitaine, cela représente 10 % de notre capacité annuelle d’investissement alors même que les coûts de construction s’accroissent !
L’Etat se désengage depuis des années du logement social et la situation est bloquée malgré les aides des collectivités locales, qui perçoivent bien que le logement est un ferment d’agitation sociale pour leurs habitants, leurs salariés et leurs entreprises. Concrètement, l’équilibre des opérations est complètement remis en cause à tel point que nous avons environ 6.000 logements prévus mais qui ne peuvent sortir de terre en l’état. Et les sommes que nous investissons pour débloquer ces projets ne servent plus à financer de nouvelles opérations.
Face à ce blocage, quel est votre réaction vis-à-vis du contenu du projet de budget pour 2024 ?
Thomas Cazenave a toujours montré un intérêt pour le logement mais maintenant qu’il est ministre du Budget on attend des preuves ! Le représentant du gouvernement sera attendu de pied ferme par les professionnels du logement social lors du congrès de l’Union sociale pour l’habitat. Ce que je note de positif dans ce budget c’est la petite augmentation des APL. Ensuite, la prolongation du prêt à taux zéro c’est bien mais il est recentré sur les zones tendues. Croire qu’il n’y a des problèmes de logements que dans les zones tendues est une illusion, il faut donc revoir ce point.
Enfin, sur le plan de la rénovation énergétique, ce budget 2024 est ahurissant ! On sait tous que nous avons un impératif commun de diminuer nos émissions de gaz à effet de serre. Or, ce budget supprime les 700 millions d’euros prévus au niveau national pour la rénovation énergétique ! 700 millions sur trois ans ce n’était pas suffisant mais c’était déjà ça. La conséquence c’est que les organismes HLM vont devoir arbitrer leurs investissements entre rénovation et construction alors que la stratégie nationale bas carbone nous impose de réhabiliter 8.000 logements par an rien qu’en Nouvelle-Aquitaine !
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