« Pour une redistribution des pouvoirs de décision au travail »
Si l’inflation justifie les revendications en termes de salaires, la conférence sociale, qui doit avoir lieu en octobre, ne peut pas seulement être une conférence salariale, estime Yves Clot, dans une tribune au « Monde ».
Finalement, une vieille revendication de la CFDT qui mériterait de réémerger dans le calendrier social. NDLR
L’annonce par le président de la République de la tenue en octobre d’une conférence sociale ne précise guère son ordre du jour sinon à propos des salaires inférieurs au smic dans certaines branches. Voilà qui en ferait un rendez-vous strictement salarial. Du côté syndical, on semble s’en accommoder sous réserve qu’on discute du smic lui-même, de l’indexation sur les prix et des aides publiques aux entreprises. Même si l’on fait davantage confiance aux nouvelles manifestations prévues qu’aux discussions à venir.
Avec l’inflation qui s’emballe, c’est le pouvoir d’achat qui est le centre de gravité de la conférence annoncée. Il est vrai que la précarité a pris des dimensions alimentaires telles que même les associations à qui l’Etat délègue la gestion de la misère sociale se tournent maintenant vers lui pour « passer l’hiver ». La philanthropie des entreprises ne fera sûrement pas le compte. Un peu partout, on réclame la redistribution des richesses. Aider les pauvres fait l’objet de beaucoup de discours. On s’alarme des risques que les épreuves qu’ils subissent débouchent sur une victoire politique de l’extrême droite.
L’urgence sociale est bien là. Elle vient de loin et l’inflation la dramatise. La question des salaires est vitale. Mais on peut se demander si une conférence « sociale » peut seulement être une conférence « salariale ». Les gains nécessaires de pouvoir d’achat justifient bien sûr les revendications salariales. Mais la demande du monde du travail n’est sûrement pas soluble dans le pouvoir d’achat. La situation est telle qu’on ose à peine soulever le problème. C’est pourtant nécessaire, au moment où le syndicalisme et la gauche veulent faire du « gagner plus » le chemin de la reconquête des classes populaires.
Face à la demande d’augmentation des salaires, il ne manquera pas de voix pour dire que c’est trop réclamer, surtout du côté des employeurs. Pourtant on peut soutenir que c’est demander bien peu. On parle d’indexer les salaires sur les prix. Mais c’est d’abord sur le développement du pouvoir d’action dans son travail qu’il faut le faire. Pouvoir d’achat et pouvoir d’action ne doivent pas être séparés. D’autant que le modèle de consommation est devenu aussi discutable que le modèle de production. C’est au nom du pouvoir d’achat que se déploient déjà les ruses commerciales du hard-discount qui banalise la ségrégation alimentaire.
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