Haut-Karabakh : « Le triomphe de la force »
L’essayiste Michel Marian analyse, dans une tribune au « Monde », les enjeux géopolitiques de la victoire éclair de l’Azerbaïdjan au Haut-Karabakh. Au-delà de l’urgence humanitaire et de la suspension immédiate des ventes d’armes, il invite les Occidentaux à soutenir une candidature de l’Arménie à l’Union européenne.
La victoire éclair de l’Azerbaïdjan au Haut-Karabakh, au coût d’au moins 200 morts arméniens dont 100 civils, a soulevé en Occident du soulagement et de la gêne. Du soulagement parce qu’une querelle épineuse et explosive semble près d’être refermée, à un moment où il serait périlleux de s’engager dans une seconde guerre après l’Ukraine et à des conditions proches du droit international. Rappelons que, sur ce dossier, le droit n’a jamais reconnu, depuis 1994, la primauté de l’autodétermination sur l’intégrité territoriale, et reste, en général, très évanescent sur le droit des minorités.
Beaucoup de gêne quand même parce que, dans ce cas, le respect du droit cache mal l’évidente injustice faite à un peuple qui n’a pas découvert il y a trente ans une idéologie « séparatiste », mais a vécu sur cette terre depuis vingt siècles. De surcroît, il a subi un génocide toujours non reconnu par l’Etat héritier de celui l’a commis : la Turquie, principal soutien d’un Ilham Aliev, président de l’Azerbaïdjan, qui vise aujourd’hui ouvertement à expurger la présence arménienne de « son » sol par le feu, la faim, le froid, la peur.
Aux yeux de la realpolitik, le partage est simple : le soulagement est pour aujourd’hui, la gêne sera pour demain, lorsque les persécutions ou les destructions surviendront ou que les traces des crimes resurgiront à un moment où l’exode massif aura rendu sans objet les doutes sur le bien-fondé de la « ré »-intégration de l’enclave à l’Azerbaïdjan.
Pourtant, une certaine agitation de la communauté internationale donne à penser que les raisons du soulagement sont moins solides qu’on ne le croit et notamment la principale d’entre elles : la croyance en la clôture du dossier parce que l’Arménie ne compterait plus pour rien et que Aliev aurait atteint son but de guerre. On a plutôt entendu ce dernier, grisé par sa victoire, rappeler son objectif suivant : l’ouverture d’un corridor souverain entre le principal territoire de l’Azerbaïdjan et son exclave occidentale [située entre l’Arménie et l’Iran], le Nakhitchevan, avec contrôle de Bakou à l’entrée et à la sortie. Cela lui permettrait de bloquer la frontière entre [les deux pays].
L’Iran a fait savoir qu’il s’agirait pour lui d’une ligne rouge. Mais, en face, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, l’allié, et peut-être l’inspirateur, d’Aliev, presse pour l’ouverture de cet axe.
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