Société-Le nombre de pays démocratiques en déclin dans le monde
La guerre en Ukraine a mis fin aux dernières illusions des Européens, qui s’appuyaient sur le primat du droit et les vertus du multilatéralisme pour garantir la sécurité et la paix, estime, dans une tribune au « Monde », l’ancien ambassadeur Pierre Buhler.
Le déferlement des chars russes en Ukraine, le 24 février 2022, a sonné le glas non seulement d’une ère, mais aussi d’une idée : celle de la paix par le droit, qui, malgré les mécomptes, a prévalu pendant plus d’un siècle.
Certes, le projet de Woodrow Wilson [président des Etats-Unis de 1913 à 1921] de rendre le « monde sûr pour la démocratie », avec la Société des nations, a connu le sort que l’on sait. Mais Franklin D. Roosevelt [1933-1945] en avait tiré les leçons avec la Charte des Nations unies, un traité prohibant le recours à la force en dehors des cas de légitime défense, et doté d’un Conseil de sécurité chargé d’en assurer le respect. Le fait que les cinq puissances victorieuses de la seconde guerre mondiale y siègent comme membres permanents, avec droit de veto, devait être le gage de son efficacité.
Ce système, paralysé pendant la guerre froide, avait, dès la fin de celle-ci, laissé espérer l’avènement d’un monde réglé par le droit, qu’avait illustré, en 1990, le rétablissement dans sa souveraineté du Koweït, envahi par l’Irak. Mais cet espoir s’est évanoui au fur et à mesure que des interventions militaires enfreignant le droit international – en Géorgie, en Serbie, en Irak, en Ukraine… – se sont succédé.
L’implosion de l’Union soviétique avait donné le coup de grâce à une autre idée : celle de la paix dans le monde grâce à l’abolition du capitalisme et de son « stade suprême, l’impérialisme ». Mais elle avait surtout donné corps à la thèse de la « fin de l’histoire » et du triomphe de la démocratie libérale, une illusion entretenue par un mouvement ample de ralliement à ce modèle dans le monde. Elle laissait entrevoir la perspective que le respect de la règle de droit – un attribut des démocraties – finirait par déteindre sur les conduites des Etats en dehors de leurs frontières.
La courbe s’est inversée au bout d’une quinzaine d’années. Il ne reste aujourd’hui qu’une trentaine de démocraties authentiques, après deux décennies fastes pour les dictateurs, autocrates et juntes qui ont fait main basse sur le pouvoir dans leurs pays. Pour autant, l’aspiration aux libertés, aux droits et à la dignité ne s’est pas éteinte, comme le rappellent des soulèvements réguliers en Birmanie, à Hongkong ou en Iran.
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