Gaz russe : l’hypocrisie générale de l’Europe
Le journal les Échos rapportent comment Marion Van Renterghem décrypte le plan de Vladimir Poutine pour isoler l’Ukraine et renforcer l’addiction de l’Europe au gaz naturel russe. Elle pose la question de l’incohérence géopolitique, et même du cynisme, des dirigeants européens « sous influence ».
Sans le sabotage anonyme du plus grand pipeline sous-marin du monde, au large de l’île danoise de Bornholm, ce 26 septembre 2022, Vladimir Poutine pourrait encore savourer la satisfaction de tenir l’Europe en laisse grâce à un gazoduc de 10 milliards d’euros, financé pour moitié par cinq groupes européens (Engie, Shell, OMV, Uniper et Wintershall), au côté du géant russe Gazprom.
Ardemment voulu par le Kremlin et… l’ancienne chancelière allemande, Angela Merkel, le gazoduc Nord Stream 2 (inauguré en 2021), qui contourne soigneusement la Pologne et l’Ukraine, s’est soudainement transformé en symbole de la faiblesse et de la coupable incohérence de l’Union européenne.
Avec la guerre en Ukraine, c’est même devenu le stigmate d’ « une des plus gigantesques erreurs stratégiques du XXIe siècle ». Marion Van Renterghem (prix Albert Londres) ne mâche pas ses mots dans ce thriller géopolitique captivant qui est plus qu’une allégorie. Dans un style vif et sans détour, elle retourne avec ardeur le couteau dans la plaie….
Le chef du Kremlin a réussi à berner ou à endormir une grande partie de la classe politique européenne, à travers une armada d’agents d’influence, d’ « idiots utiles ou d’alliés malgré eux », en puisant largement dans la « lâcheté de beaucoup et la naïveté de tous »… dont certains politiques français comme Fillon ou Sarkhosy .
D’autant que la biographe d’Angela Merkel n’épargne personne : ni l’ancienne chancelière elle-même, ni le chancelier Gerhard Schröder, l’un des principaux artisans du vaste réseau de complicités de Poutine, ni l’ancien patron du SPD et puissant ministre de l’Economie et de l’Energie, Sigmar Gabriel, l’un des rares à faire son autocritique.
Au bout du compte, le gazoduc Nord Stream (avec ses deux jumeaux inaugurés à dix ans d’intervalle) apparaît surtout comme l’ultime stigmate de la faiblesse coupable des Européens confrontés au cynisme absolu du régime poutinien. Face à l’obstination de Merkel qui a fait du nouveau gazoduc jumeau de Nord Stream 1 un « impératif catégorique », ni l’opposition des Polonais, ni celle des Baltes, des Slovaques ou des Tchèques ne pèseront du moindre poids.
Surtout, Angela Merkel se refuse à voir que le deuxième gazoduc sous la Baltique fait voler en éclats la sécurité stratégique de l’Ukraine.
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