Gaz: Mieux évaluer le potentiel de la biomasse
Jules Nyssen, le président du syndicat des énergies renouvelables (SER), plaide pour qu’un travail transparent sur l’évaluation du potentiel d’énergie issue de la biomasse, c’est-à-dire des matières organiques comme le bois ou les résidus agricoles. À noter aussi que le président du syndicat des énergies renouvelables mais la pédale douce sur les éoliennes de plus en plus contestées. (dans la Tribune)
L’étude au Parlement de la première loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC), qui était initialement prévue à l’été, puis à l’automne, pourrait une nouvelle fois être décalée en janvier 2024. Ce glissement de calendrier vous inquiète-t-il ?
JULES NYSSEN. Depuis la rentrée, une petite musique tourne sur le fait qu’il n’y aurait pas de place dans l’agenda parlementaire d’ici à la fin de l’année. S’y ajoute une discussion plus politique sur la capacité du gouvernement à trouver une majorité pour faire voter le texte. Nous avons trois craintes par rapport à cela : d’une part que les ambitions de la loi soient revues à la baisse, d’autre part que la loi soit décalée trop loin dans l’agenda et, enfin, qu’elle soit carrément supprimée ou vidée de sa substance.
Nous estimons, que le volet production, au moins, doit faire l’objet d’une programmation législative, car il s’agit de choix qui engagent la structuration de notre système de production énergétique pour des décennies, bien au-delà de l’échéance 2030-2035. Par ailleurs, ce sont des sujets sur lesquels de gros investissements en capital doivent être mobilisés, ce qui nécessite de la visibilité dans la durée. Enfin, il faut que les industriels qui développent des projets de gigafactories [notamment de panneaux photovoltaïques, ndlr] aient, eux aussi, de la visibilité et qu’ils puissent mesurer l’ambition que se donne la France.
Davantage d’éléments de cette programmation pourraient passer par voie réglementaire…
On dit qu’une loi se fait et se défait, mais un règlement est encore plus facile à défaire ! Par ailleurs, il est important d’engager le Parlement sur ces sujets. Avec une version réglementaire, on restera dans un régime d’instabilité. Une loi a d’autant plus de sens que nous avons besoin d’adhésion dans un pays où développer des énergies renouvelables n’est pas facile sur le plan de l’acceptabilité. Si les outils de programmation étaient pris par voie réglementaire, ce sera facile de dire ensuite qu’ils ne reposent pas sur un consensus.
Concrètement, qu’attendez-vous du texte en termes de contenu ?
D’abord, la planification écologique doit se décliner à travers deux dimensions : la partie production, et la partie consommation. Pour l’instant, j’ai l’impression que les débats les plus attendus portent sur la consommation, car celle-ci renvoie à la question de l’accompagnement social, c’est-à-dire aux mesures qui devront permettre à chacun de supporter le coût individuel de cette transition.
Même si je ne sous-estime pas l’importance et la complexité de ce volet, j’espère qu’il n’effacera pas l’attention que nous devons aussi porter à la partie production, avec des objectifs concrets en termes de décarbonation de notre mix énergétique. C’est nécessaire, car 60% de nos besoins énergétiques reposent encore sur les combustibles fossiles ! L’enjeu, c’est donc de s’en débarrasser absolument.
Pour les nouvelles chaudières à gaz, le gouvernement a évoqué l’interdiction dès 2026 avant de faire marche arrière ?
Je ne dis pas qu’il faut le sauver à tout prix, mais je dis juste que, avant de prendre des décisions radicales, on a besoin de faire cette évaluation. Autrement dit, ne sacrifions pas le réseau de gaz avant d’évaluer le potentiel de biomasse. Il y a un sujet autour du gaz renouvelable [le biométhane issu de la fermentation de matières organiques, comme les résidus de culture ou les effluents, ndlr] à injecter dans les réseaux. Je crois que le gouvernement n’en fait pas mystère : son souhait, c’est d’accélérer le remplacement des chaudières au gaz, en faisant semblant que celles-ci ne fonctionnent qu’au gaz fossile. Ce qui le conduit sans doute à essayer de modérer les ardeurs de production de biométhane injectée dans les réseaux.
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