Analyser l’économie : un exercice aléatoire
Entre pandémie et poussées d’inflation, les statistiques économiques sont devenues particulièrement peu fiables, relève Eric Albert dans sa chronique au » Monde ». Le 28 juillet, le bureau des statistiques d’Irlande estimait que la croissance du pays au deuxième trimestre était de 3,3 %. Le 1er septembre, il revoyait son estimation à… 0,5 %. Presque sept fois moins ! A ce niveau-là, ce n’est plus une révision, mais de la poésie.
Un article intéressant mais qui soulève aussi la question de la mesure de l’inflation pour des déflater. En clair distinguer l’évolution en prix constants, l’évolution en prix courants du volume réel. Si l’inflation était sous-estimée en raison notamment de l’évolution structurelle des comportements, la croissance sera mécaniquement surestimée NDLR
Le 1er septembre, les statisticiens du Royaume-Uni ont, eux aussi, annoncé une correction particulièrement importante. Celle-ci portait sur les années 2020-2021. Après mûre réflexion, ils ont retrouvé près de deux points de produit intérieur brut (PIB), qui traînaient sans doute à l’arrière du canapé. Au quatrième trimestre 2021, le PIB britannique était finalement 0,6 % au-dessus de son niveau d’avant la pandémie, contre une estimation précédente qui le situait 1,2 % au-dessous. D’un coup, toute la petite musique politique du moment, qui disait et répétait que « le Royaume-Uni est le pays qui a connu la pire croissance des pays du G7 depuis la pandémie », se révélait fausse. Cela ne reste guère brillant, mais l’Allemagne fait pire et la France est au même niveau.
Les statistiques économiques sont actuellement en proie à de sérieux dérapages. Les emplois aux Etats-Unis ? En juin, 209 000 ont été créés, ont initialement annoncé les autorités américaines. Non, c’était 185 000, ont-elles précisé en second calcul. Finalement, c’était 105 000, d’après le troisième calcul. Entre la première et la troisième estimation, la différence va du simple au double. Initialement, l’économie américaine semblait au bord de la surchauffe ; en fait, elle était en ralentissement.
Il ne s’agit pas de jeter la pierre aux statisticiens. Réussir à estimer une tendance de PIB moins d’un mois après la fin d’un trimestre est excessivement difficile, sachant qu’il s’agit d’additionner des pommes et des poires : le PIB est la somme des valeurs ajoutées d’une économie, ce qui revient à empiler des services hospitaliers, des repas au restaurant, des exportations agricoles, le travail des écoles, des services comptables… Quand l’économie ne souffre pas de chocs trop violents, les calculs sont déjà difficiles. Mais en temps de pandémie, ou lors d’un soudain bond des prix des matières premières, ça devient impossible.
Quant à l’Irlande, le problème est profond. Les économistes préviennent depuis longtemps qu’il vaut mieux éviter d’utiliser le PIB de ce pays, complètement biaisé par l’énorme présence des multinationales américaines, qui y placent leur siège européen pour des raisons fiscales.
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