Immobilier- Logement : une crise prévisible

Logement : une crise prévisible

Par manque de volontarisme politique, la France n’a pas construit suffisamment pour accompagner les transformations de la société. Comme dans l’éducation ou la santé, la procrastination se paye aujourd’hui.( papier du Monde)

La crise du logement est tout sauf une surprise. Annoncée par les professionnels du secteur depuis des mois, elle semble désormais inéluctable. La remontée des taux d’intérêt entraîne une restriction des crédits immobiliers et une réduction du nombre d’acheteurs potentiels. La faiblesse de la demande commence à peser sur les prix et la fluidité des transactions. Le marché de la construction neuve est en chute libre, avec pour corollaire un impact à venir sur le secteur du BTP.

Cet effet domino intervient alors qu’il existait déjà une pénurie importante de logements. Toute la chaîne menace désormais de se gripper, entre des ménages qui sont dans l’incapacité d’accéder à la propriété, des locataires qui se heurtent à un manque criant d’offres et un secteur social qui n’arrive plus à remplir sa mission.

Si la situation n’a rien de surprenant, le manque d’anticipation est en revanche frappant. Qui croyait sérieusement que la période de l’argent quasi gratuit puisse se prolonger indéfiniment ? Le retour au réel est d’autant plus brutal que planait l’illusion d’une remontée des taux d’intérêt progressive. Le surgissement de l’inflation dans la foulée de la crise pandémique en a décidé autrement. Faute d’avoir préparé les esprits à cette normalisation accélérée, celle-ci ne peut se faire que dans la douleur.

Le logement illustre jusqu’à la caricature les contradictions auxquelles nous sommes confrontés. Il faudrait ainsi calmer l’inflation, qui rogne le pouvoir d’achat, sans pénaliser le crédit, qui facilite l’accession à la propriété. Il serait urgent d’augmenter l’offre de logements au moment où la transition écologique encadre strictement la construction et oblige à retirer du marché de la location les biens mal isolés. Les promoteurs réclament enfin de perpétuer des dispositifs coûteux d’aide à l’investissement, alors que leur efficacité reste médiocre et que la dépense publique est sous contrainte.

Mais la crise ne peut se résumer à ces contradictions. Les politiques du logement peinent à anticiper les mouvements de fond que la société française connaît depuis des décennies. L’augmentation de la population, la décohabitation des ménages, l’explosion du nombre d’étudiants ou encore la concentration de la demande dans les zones les plus attractives ont aggravé le mal-logement. Par manque de volontarisme politique, la France, quelles que soient les majorités au pouvoir, s’est accommodée de ne pas construire suffisamment pour accompagner ces transformations. Comme dans l’éducation ou la santé, la procrastination se paye aujourd’hui.

Il s’agit d’un échec collectif. Les maires sont les mieux placés pour répondre aux besoins, mais ils font primer la quiétude de leurs administrés sur l’intérêt général, qui réclamerait de construire davantage pour accueillir de nouvelles populations. La rareté du foncier devrait inciter à construire en hauteur pour faire baisser les coûts du logement, mais la France continue à privilégier l’étalement urbain au détriment de la densification. Quant au gouvernement, on peut se demander si c’était le meilleur moment pour limiter l’accès au prêt à taux zéro, sans parler des atermoiements incompréhensibles pour aligner la fiscalité des meublés touristiques sur celle de la location classique.

L’un des objectifs fixé par le Conseil national de la refondation consacré au logement a l’ambition de « redonner aux Français le pouvoir d’habiter ». La crise qui s’annonce risque plutôt de leur laisser le goût amer d’une certaine impuissance.

Le Monde

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