Epargne : le manque de culture économique et financière des Français
Une étude conforte ce que l’on savait déjà : alors que l’offre de produits financiers ne cesse d’exploser, la grande majorité des épargnants ne savent pas ce que veut dire un taux d’intérêt réel ou ne connaissent qu’approximativement le rendement d’un produit aussi simple que le Livret A. Fin 2021, la Banque de France avait mené une enquête auprès des Français sur leurs connaissances purement financières et qui soulignait un score déjà inférieur à celui des Allemands. 70% des Français jugeaient alors leurs connaissances moyennes ou faibles. Globalement, les Français sont des élèves « moyens », estimait alors la Banque de France, avec toutefois de fortes lacunes sur des sujets comme l’inflation ou les taux d’intérêt.
Le manque de culture économique et financière de nos concitoyens a de fâcheuses conséquences, déplore aini la Banque de France. Un certain nombre de Français maîtrisent mal l’économie, ce qui peut conduire certains à « passer à côté d’opportunités » ou à prendre des risques exagérés, a notamment souligné Mark Béguery, à la tête de la direction « éducation financière » fraîchement créée au sein de la Banque de France, dans un entretien accordé à un journaliste de l’Agence France Presse.
La Banque de France vient de se doter récemment d’une « direction de l’éducation financière ». Quel est son rôle exact?
Mark Béguery : La direction de l’éducation financière à la Banque de France a été créée au mois de décembre. La Banque de France est depuis deux ans l’opérateur national de la stratégie d’éducation économique, budgétaire et financière. Ce sont les pouvoirs publics qui lui ont confié ce rôle dans le cadre d’une stratégie nationale qui vise à ce que les Français, de façon générale, améliorent leurs compétences pratiques en matière économique, budgétaire et financière. La Banque de France est chargée de la mise en œuvre de cette stratégie, c’est-à-dire à la fois de la promouvoir et d’essayer de coordonner l’action des différents acteurs en la matière. Jusqu’à présent, la Banque de France exerçait déjà ce rôle d’opérateur, mais au sein d’une direction qui s’occupait uniquement des particuliers, et depuis l’été dernier il a été demandé d’étendre cette stratégie au bénéfice des petits entrepreneurs. Comme cela a commencé à toucher plusieurs publics, il a été décidé de créer une direction qui couvre à la fois les actions vis-à-vis du grand public et vis-à-vis des TPE (les très petites entreprises NDLR). On a décidé de passer à la vitesse supérieure en créant cette direction.
Quelle évaluation faites-vous du degré de connaissance financière du public en France ?
En ce qui concerne le grand public, il y a déjà eu un certain nombre d’enquêtes qui ont été réalisées par le passé. Nous en avons fait une récemment qui indique que plus de 70% des Français estiment avoir des connaissances faibles ou moyennes en matière financière. C’est leur perception propre, qui est toutefois corroborée par des questions simples qui ont été posées et qui montrent qu’une majorité de personnes ne maîtrisent pas les effets de l’inflation sur un placement ou une problématique de taux d’intérêt relativement simple. (…) Côté entrepreneurs, les porteurs de projets et les dirigeants de TPE ont de la même façon souvent un déficit de connaissances en matière économique et financière, à titre privé, mais également au titre de leur activité d’entrepreneur, ce qui conduit à divers problèmes. Ce sont des problèmes de compréhension vis-à-vis de leurs interlocuteurs financiers, que ce soit l’expert comptable, le banquier ou un autre interlocuteur. Cela peut également se traduire par des décisions de gestion qui peuvent être inappropriées. C’est par exemple ne pas comprendre les conséquences de sa croissance sur sa trésorerie ou parfois un manque de réflexe quand on est dirigeant de TPE en matière d’assurance. Ce sont des sujets qui parfois sont mal connus et peuvent conduire à des difficultés pour l’entrepreneur.
Quels problèmes pratiques posent ces mauvaises connaissances sur les questions financières ?
Toutes les personnes ont, dans leur vie, à gérer des situations où elles ont à ouvrir un compte, faire des paiements, gérer de l’épargne ou souscrire un crédit. Le fait de ne pas avoir les bons réflexes lorsqu’on est sollicité pour un placement ou un crédit, quand on commence à avoir des difficultés financières, ou ne pas savoir comment réagir par rapport à une demande d’assurance, peut conduire les personnes soit à passer à côté d’opportunités, soit à prendre des décisions inappropriées. Quand on va vers les jeunes, on constate que des connaissances très basiques ne sont souvent pas acquises. Il ne s’agit pas du tout de rendre les gens experts, ni de leur inculquer des notions tout à fait théoriques. C’est vraiment apprendre à mieux traiter des choses qu’on rencontre dans la vie pratique.
Ces questions, qui renvoient à un sujet tabou en France, celui de l’argent, ne sont pas neutres quand il s’agit de placer son épargne. Et c’est d’ailleurs tout l’intérêt de cette étude qui a essayé de mesurer l’impact financier sur un ménage de connaissances plus faibles en matière financière, et ce sur la base de portefeuilles types (cash, actions, obligations). En France, ce manque de culture (ou d’intérêt), qui incite naturellement à laisser son argent dormir sur un compte courant ou un livret, coûterait environ 2.390 euros par an à une personne ayant un faible niveau par rapport à une personne dotée d’un niveau moyen. Soit sur dix ans, une différence de près de 40.000 euros ! « Il est encourageant est de voir qu’il suffit de peu de choses pour passer d’un niveau faible à un niveau moyen, et que ce simple passage entraîne de meilleures décisions d’investissement », souligne Marion Dewagenaere, directrice d’Allianz Patrimoine.
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