Climat: Redéfinir les règles du commerce mondial ?

Climat: Redéfinir les règles du commerce mondial ?

Le libre-échange peut être enrôlé dans la lutte contre le réchauffement climatique et il est temps que les pays s’emparent de ce sujet lors de la prochaine COP28, détaille Julien Bouissou, journaliste au « Monde », dans sa chronique.

Pour la première fois, une conférence sur le climat – la COP28, qui va se tenir à Dubaï à partir du 30 novembre − va se pencher sur le rôle du commerce mondial dans le réchauffement de la planète.

Les opposants au libre-échange estiment que les coûts environnementaux, longtemps négligés, dépassent de loin les bénéfices commerciaux. La France s’est ainsi opposée, en 2020, à la signature d’un accord de libre-échange entre l’Union européenne (UE) et les quatre pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay), car il risquait d’accélérer la déforestation de l’Amazonie, entraînant un « dérèglement du climat ».

Autre argument mis en avant : la délocalisation des usines dans des pays où les énergies fossiles sont abondantes et coûtent moins cher que le solaire ou l’éolien a aggravé le réchauffement climatique. Enfin, le transport maritime, qui assure 80 % des échanges de marchandises dans le monde, contribue à hauteur de 3 % des émissions de gaz à effet de serre de la planète, sans que celles-ci, exclues de l’accord de Paris, soient comptabilisées dans les contributions des Etats. Faut-il en conclure que le libre-échange est l’ennemi du climat ?

Ce serait oublier qu’il favorise aussi la diffusion des technologies propres. L’Organisation mondiale du commerce (OMC) a calculé, par exemple, que la mondialisation et ses chaînes de valeur sont à l’origine de 40 % de la baisse des prix des panneaux solaires depuis 2001. Selon l’OMC, la réduction des barrières douanières sur certains produits et technologies propres pourrait réduire les émissions de gaz à effet de serre de 0,6 %.

Hélas, la libéralisation des échanges de ces technologies propres n’est pas toujours compatible avec le patriotisme économique. L’Inde, pour protéger son industrie, a imposé des droits de douane de 30 % en moyenne sur les importations de panneaux photovoltaïques. Et la France céderait aux mêmes tentations protectionnistes en ne distribuant une prime à l’achat que pour les véhicules électriques sortis des usines européennes. « On va soutenir les batteries et les véhicules qui sont produits en Europe parce que leur empreinte carbone est bonne », a justifié Emmanuel Macron dans un discours tenu le 11 mai. Mais cet argument est surprenant, étant donné que les véhicules électriques chinois ou américains ont une empreinte carbone au moins aussi bonne que ceux qui sont assemblés en Allemagne, qui a rouvert des centrales à charbon.

L’argument de la lutte contre le réchauffement climatique est parfois utilisé à tort, pour justifier une politique de « souveraineté industrielle », nouveau nom donné au protectionnisme. Or, celui-ci complique l’adaptation au réchauffement. Lorsqu’un pays touché par un cyclone ou des inondations cherche à se relever au plus vite, l’acheminement de matériaux de construction, de denrées alimentaires ou de médicaments peut être ralenti par de telles barrières. Le commerce mondial permet d’absorber plus facilement les chocs provoqués par des catastrophes naturelles.

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