Virus de la dictature russe : épidémie d’accidents mortels
Prigogine l’auteur de la tentative de putsch en Russie disparaît donc dans un accident comme nombre d’autres hauts responsables contestant Poutine. Ces derniers temps la Russie enregistre une véritable épidémie d’accidents mortels rappelle Radio France.
Le 25 février 2022, moins de vingt-quatre heures après le début de la guerre menée par la Russie en Ukraine, l’un des principaux cadres de la société russe Gazprom, Alexander Tyulyakov, était retrouvé pendu dans son garage de Leningrad. Des témoins affirment que quelques heures plus tôt, l’homme avait été roué de coups par des individus non identifiés sur la voie publique.
La mort de Tyulyakov n’était pas la première perte enregistrée par Gazprom, puisque quelques semaines auparavant, le 30 janvier, c’est Leonid Shulman, autre cadre exécutif de l’entreprise, qui était décédé. Son corps sans vie, accompagné d’une note évoquant son suicide, a été retrouvé dans la baignoire de la luxueuse chambre d’hôtel qu’il occupait à Saint-Pétersbourg.
Le 1er septembre 2022, Ravil Maganov, président du conseil d’administration de la plus grande compagnie pétrolière privée de Russie, Lukoil, est tombé par la fenêtre du sixième étage de l’hôpital central de Moscou, où il séjournait en raison d’un problème cardiaque. Connu pour son opposition à la guerre en Ukraine, il n’a pas survécu.
Le 25 novembre, le milliardaire Vyacheslav Taran, qui avait fait fortune grâce aux cryptomonnaies, est mort dans un accident d’hélicoptère alors qu’il se dirigeait vers son domicile monégasque. Le passager qui devait l’accompagner a apparemment annulé son voyage à la dernière minute.
Le 9 décembre à Antibes, un autre milliardaire, le géant de l’immobilier Dmitry Zelenov, tombait dans les escaliers alors qu’il venait de dîner avec des amis.
Le Sydney Morning Herald a ainsi recensé vingt-trois morts suspectes, ou du moins inattendues, de citoyens russes connus pour leur grande richesse ou leur rang élevé dans la société. La plus ancienne de la liste est celle de Leonid Shulman et les trois dernières datent d’il y a quelques jours, puisque deux décès ont été annoncés le 24 décembre et un troisième le 25 –celui d’Alexeï Maslov, ancien chef des forces armées russes devenu le représentant militaire de son pays auprès de l’OTAN.
En moyenne, entre fin janvier et fin décembre 2022, un Russe appartenant à l’élite du pays est mort toutes les deux semaines dans des circonstances curieuses et/ou malgré sa santé de fer. Cette série de décès, dont on peut difficilement envisager qu’elle relève de la coïncidence, ressemble au point de départ d’un vaste film d’espionnage: aux quatre coins du globe, des hommes puissants, tous de nationalité russe, ont connu des morts diverses et variées –citons aussi, entre autres causes, l’empoisonnement au venin de crapaud et l’accident de bateau à moteur.
Le doute a visiblement mis du temps à se propager. Le 9 juillet 2022, une page Wikipédia intitulée «2022 Russian Businessmen Mystery Deaths» a été créée par un utilisateur anonyme pour recenser toutes les morts étranges survenues en Russie en 2022. En octobre, on a pu entendre le financier Bill Browder évoquer sur la chaîne américaine ABC ce qu’il décrivait comme une «épidémie de meurtres». Pour lui, pas d’hésitation: il y avait des contrats sur la tête de chacun de ces hommes.
De son côté, le professeur de sciences politiques Jeffrey Winters, de l’université d’Illinois, insiste sur le fait que la plupart des défunts étaient très riches, en très bonne santé, et qu’ils disposaient de gardes du corps et d’un personnel attentif: «Ce ne sont pas le genre de personnes qui tombent par mégarde dans les escaliers ou de leur fenêtre d’hôpital.»
Estimant que la liste de ces morts suspectes va encore s’allonger, Jeffrey Winters conseille de lorgner du côté de l’Arabie saoudite, de la Chine et de la Russie, «les seuls lieux où énormément d’oligarques ont été arrêtés, emprisonnés, ou sont morts dans des circonstances étranges». Pour le professeur de sciences politiques, cela ne fait d’ailleurs guère de doute: le dénominateur commun de cet ensemble de tragédies se nomme Vladimir Poutine.
«C’est un oligarque sultanesque, affirme-t-il, l’oligarque alpha en Russie. Il peut faire les puissants ou les broyer. Pour eux, il est à la fois un gage de sécurité et un danger.» Tout dépend si le président russe estime qu’ils sont avec ou contre lui.
Selon le professeur, l’élimination progressive de certains de ces Russes d’envergure est extrêmement logique: «L’une des façons que [Poutine] a de montrer son pouvoir est de faire des exemples en choisissant certains individus dans certains groupes. Cela rappelle aux autres qu’il est celui qui beurre leurs tartines et aussi celui qui peut tout leur enlever. C’est un motif très commun dans l’histoire de l’oligarchie.»
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