Santé- Relocaliser la production de médicaments
par Zeliha Chaffin dans Le Monde
Une stratégie européenne est nécessaire afin de remédier à la régression de l’industrie française, amorcée au tournant des années 1990 et récemment mise en lumière par la pénurie et la crise due au Covid-19.
Après un hiver de pénuries de médicaments, le printemps n’aura guère apporté de soulagement aux 21 000 officines de l’Hexagone. Ni d’ailleurs aux hôpitaux. Certes, le paracétamol et l’amoxicilline ont peu à peu fait leur retour sur les étagères, mais ils ne constituent qu’un mince aperçu de l’ampleur des difficultés observées sur le terrain. En 2022, plus de 3 500 signalements de ruptures de stocks et de tensions d’approvisionnement ont été enregistrés auprès de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Un chiffre vertigineux comparé aux 1 500 déclarations recensées trois ans plus tôt, et qui, déjà à l’époque, affolait les professionnels de santé. Leurs cris d’alarme n’avaient toutefois guère trouvé d’écho auprès des pouvoirs publics.
Depuis, le Covid-19 est passé par là. Les Français ont compris à quel point le pays avait perdu la main sur sa production. Champion européen il y a encore quinze ans, l’Hexagone n’occupe désormais que le cinquième rang des fabricants de produits de santé, derrière la Suisse, l’Italie, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Le constat est amer. Car le recul français s’inscrit dans celui, plus large, du continent dans son ensemble. En effet, 40 % des médicaments commercialisés dans l’Union européenne proviennent aujourd’hui de pays situés en dehors du continent, tandis que 60 % à 80 % des principes actifs pharmaceutiques sont produits en Chine et en Inde.
Pour appréhender l’étendue de cette régression, un bref retour en arrière s’impose. Au tournant des années 1990, l’Europe est alors la pharmacie du monde. Mais elle se voit peu à peu concurrencée par la Chine et l’Inde, qui profitent de l’essor des médicaments génériques pour développer leurs industries de chimie fine. Avec leurs coûts de production imbattables grâce à une main-d’œuvre abondante et peu chère, auxquels s’ajoute l’absence de contraintes réglementaires environnementales, les deux pays attirent les laboratoires pharmaceutiques, qui y voient un bon moyen de produire à moindres frais de vieux médicaments dont les marges s’étiolent. Dans les années 2000, le mouvement de délocalisation s’accélère. La France laisse filer ses usines à l’étranger sans que l’Etat s’en émeuve. En quête d’économies pour combler le déficit de la Sécurité sociale, les pouvoirs publics voient même ces départs comme une occasion de baisser encore les prix de vente.
La volte-face opérée depuis la crise due au Covid-19 est spectaculaire. Du moins dans les intentions. En Ardèche, Emmanuel Macron a déroulé sa feuille de route, le 13 juin, pour accélérer cette stratégie de « reconquête sanitaire » et déjouer la « fatalité » de la désindustrialisation du pays. Dans sa besace, la relocalisation d’une cinquantaine de médicaments – identifiés au sein d’une liste plus large de 450 médicaments estampillés « essentiels » – jugés particulièrement vulnérables sur le plan industriel, qui sera pour la moitié lancée « dans les prochaines semaines ».
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