Niger : éviter une conflagration 

Niger : éviter une conflagration 

« engager une nouvelle action militaire qui opposera plusieurs armées de part et d’autre, c’est recourir à un remède pire que le mal » estime une tribune publiée dans Le Monde. Les dirigeants des pays de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) se préparent à entrer en guerre contre le Niger, si le président, Mohamed Bazoum, déchu par un coup d’Etat le 26 juillet, n’est pas rétabli dans ses fonctions. Nous, signataires de cette tribune, interpellons les responsables de nos pays, car nous sommes contre cette initiative. Elle est dangereuse pour la population, pour nos économies et pour nos Etats. Une conflagration dans la zone serait un suicide collectif que l’on ne peut absolument pas laisser se produire.

Tous les ingrédients d’une confrontation de l’ensemble de la région sont en place. Alors que la Cedeao menace, les dirigeants du Burkina Faso et du Mali, soutenus par la Russie, se sont rangés aux côtés de leurs homologues du Niger. Les pays occidentaux, eux, soutiennent fermement le président déchu.

Aujourd’hui, le Niger subit de la part de la Cedeao des sanctions très dures. Jamais des mesures aussi extrêmes n’avaient été prises contre un pays de la Communauté. La population en est de loin la principale victime, alors même que le pays est déjà très fragilisé par le terrorisme qui prospère depuis une dizaine d’années au Sahel et s’étend désormais aux pays côtiers.

Dans ces tragiques conditions, engager une nouvelle action militaire qui opposera plusieurs armées de part et d’autre, c’est recourir à un remède pire que le mal. On ne peut pas se permettre d’infliger davantage de souffrance aux peuples de la région. Ce qui serait inéluctablement le cas, si l’intervention militaire de la Cedeao se réalisait.

Même si, du point de vue des chefs d’Etat, l’action militaire est une juste cause consistant à rétablir le président Bazoum à la tête de l’Etat, est-il pour autant raisonnable d’exposer l’ensemble de la population à cette fin ? Certainement pas. C’est ce que pensent les gens qu’on écoute dans les rues et ce qu’on lit sur les réseaux sociaux qui donnent aujourd’hui la température de l’opinion majoritaire.

Dans le contexte spécifique du Niger, nous demandons aux chefs d’Etat de trouver par la négociation la solution la plus favorable aux intérêts de toutes les Nigériennes et de tous les Nigériens, et par ricochet aux intérêts du peuple des pays de la Cedeao.

Cette crise nigérienne doit permettre de changer les règles communautaires. Oui, les coups d’Etat sont néfastes pour nos pays. Mais on en connaît tous les causes et c’est à elles qu’il faut s’attaquer. La Cedeao doit renforcer son potentiel d’action en se dotant d’instruments juridiques et politiques solides pour empêcher que des chefs d’Etat abusent des règles démocratiques et s’arrogent des droits pour s’éterniser au pouvoir, et parfois même avec une succession dynastique. C’est l’une des causes profondes qui conduisent à la mauvaise gouvernance et qui aboutissent aux coups d’Etat mettant toute la région en péril.

Nous savons que la Cedeao est déjà préoccupée par la stabilité de ses membres, ce qui l’a conduite à l’adoption en 2001 du protocole additionnel de la bonne gouvernance et de la démocratie. C’est aussi par le même élan que le projet de limitation des mandats présidentiels est initié depuis 2015. Il est toujours en cours.

L’organisation doit se réinventer et devenir une Cedeao des peuples, comme elle-même le préconise. C’est ce qui renforcera la souveraineté des peuples et leur aptitude à décider en toute indépendance de leur avenir.

Pour l’heure, et dans l’urgence, tous les efforts doivent être fournis pour sortir de l’infernale spirale qui tire la région vers une conflagration. C’est l’espérance du peuple de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest dont nous nous faisons les porte-voix.

Pierre S. Aadjete, auteur, spécialiste en éthique politique, Canada ; Gille Amadou Acogny, chef d’entreprise, Royaume-Uni ; Roseline C. Afolabi, retraitée de fonction publique, Haïti ; Kossi Agbolo, interprète de conférence, Nigeria ; Kodzo Ahav, artiste, Togo ; Elom Ahavi, artiste, Togo ; Ricardo Aklesso Agouzou, président du mouvement Flambeau du peuple, Togo ; Bahia Hamadahe Ako, retraité de l’éducation nationale, France ; Kokou Philippe Amedoji, SG de Diaspora togolaise, Belgique ; Yao Paul Assogba, professeur émérite, Canada ; Gnimdéwa Atakpama, expert en média et communication, acteur politique, Togo ; Joël Atayi-Guedegbe, expert en gouvernance, Bénin ; Monzolouwè B. E. Atcholi Kao, Association des victimes de la torture, Togo ; François Boko, consultant, avocat, France ; Tido Brassier, juriste, France ; Many Camara, professeur, sociologue, France ; Yoro Diakité, professeur de mathématiques, France ; Cheick Oumar Diarrah, ancien ambassadeur aux Etat-Unis, Mali ; Boubacar Boris Diop, écrivain, Sénégal ; Cheikh Hamala Diop, économiste, interprète, traducteur, Sénégal ; Dialo Diop, médecin biologiste, Sénégal ; Maktar Diouf, professeur, économiste, Sénégal ; El hajj Mohamed Madi Djabakate, politologue, président honoraire du CGPDC, Togo ; Laya Djonabaye, plate-forme de concertation de la diaspora, Tchad ; Apollinaire Duicasse Gada, activiste, GRH, Bénin ; Sokey Edorh, artiste plasticien, Togo ; Cheikh Fall, président d’Africtivistes, activiste de la démocratie, Sénégal ; Tito Fernandes, professeur à la retraite, Mozambique ; Karl Gaba, coordonnateur général du collectif Togo debout, France ; Frédéric Gakpara, auteur, artiste et promoteur culturel, Togo ; Joël Guedegbe, expert en gouvernance, Bénin ; Ameenah Gurib-Fakim, ancienne présidente de la République, Ile Maurice ; Marie-Anne G. N. Guessan, interprète, Côte d’Ivoire ; Nalemane Moïse Gomis, journaliste, Nigeria ; Girmay Haile, ancien représentant des Nations-unies, Erythrée ; Alexis Ihou, avocat, France ; Thimothy John, interprète de conférence, Nigeria ; Alphonse Julio, journaliste indépendant, Bénin ; Abdou Khafor Kandji, collectif Y’en a marre, Sénégal ; Clément Klutse, acteur politique, Allemagne ; Matomswé Kouli, artiste, Togo ; Mamadou Koulibaly, professeur d’université, Côte d’Ivoire ; David Kpelly, auteur, enseignant, Mali ; Koulsy Lamko, écrivain, Mexique ; Amidou Lida, juriste, Togo ; Isabelle Louka, enseignante, France ; Béatrice Manigat, interprète de conférence, Ghana ; Bara Ndiaye, responsable au sein de la diaspora sénégalaise, France ; Issac Ndiaye, professeur de philosophie, Mali ; Christophe Nelson, photojournaliste, Nigeria ; Bruno Charles Noukpo, journaliste, Bénin ; Raphaël Nyama Kpande-Adzare, avocat, France ; Victor Nzuzi Mbembe, coordonnateur NAD, République démocratique du Congo ; Madieye Mbodj, professeur de lettres à la retraite, Sénégal ; Alexandre Nunez, administrateur de données, France ; Nathaniel Olympio, acteur politique, Togo ; Boni Richard Ouorou, politologue, Canada ; Jean Sylvanus Olympio, entrepreneur, France ; Abdourahamane Oumarou, président de l’Union des patriotes panafricanistes (UNPP-Incin Africa), Niger ; Sasso Pagnou, enseignant-chercheur, Togo ; Maryse Quashie, ex-enseignante du supérieur, Togo ; Rokia Sanogo, professeur Pharmacie, Mali ; Felwine Sarr, universitaire, écrivain, Sénégal ; Emmanuelle Sodji, journaliste, Bénin ; Faustin Sanvi Sodji, chef d’entreprise, France ; Yoporeka Somet, professeur de philosophe et égyptologue, Kenya ; Comlan Hugues Sossoukpe, journaliste, Bénin ; Comi Toulabor, ancien directeur de recherche Sciences Po Bordeaux, France ; Aminata Dramane Traoré, écrivaine, Mali ; Jean-Norbert Vignode, chercheur associé au Celfa, Université Bordeaux Montaigne, France ; Elom Vince, artiste Togo.

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