Macron prend les Français pour des enfants !
Le triomphe de la communication permanente, pratiquée par Emmanuel Macron, s’effectue sur les ruines du système politique et institutionnel et dans le déni de la société réelle, déplore Michel Wieviorka, le directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales dans une tribune au « Monde ».
En politique, et en tout cas du côté du pouvoir, les temps sont à la communication permanente, celle qui colle sans répit à l’actualité. A peine commenté, un événement est délaissé au profit du suivant, et ainsi de suite. Pire encore, la parole d’hier ne vaut rien, seule est pertinente celle de l’instant présent, dont peu importe qu’elle démente la précédente. Le chef de l’Etat, ici, est premier de cordée. La comparaison est cruelle, par exemple si l’on met en regard son récent entretien au Figaro Magazine du 2 août, où il exalte l’autorité, et celui, publié le 3 juin 2022 dans plusieurs quotidiens régionaux, où il annonçait la création d’un Conseil national de la refondation (CNR). Elle le serait encore plus si l’on relisait son livre programmatique, Révolution (XO, 2016).
Certes, il a tenu sa promesse de changer de méthode. Mais pas dans le sens proclamé en 2022, au contraire : dans celui d’une droitisation accentuée, d’un autoritarisme renforcé qui pourraient à terme conduire notre pays sur la voie de la démocratie illibérale. Où est cet engagement à « tous ensemble inventer une méthode nouvelle » annoncé le 7 mai 2022 dans son discours d’investiture ?
Quelle est la portée historique du CNR, présenté en référence à la grande histoire, celle de la Résistance, dont Emmanuel Macron se veut peut-être le continuateur – les historiens apprécieront ? Qu’en est-il du constat que « nos compatriotes veulent être associés aux décisions » (3 juin 2022) alors même qu’il se prépare à utiliser « ce que la Constitution [lui] permet de faire » (2 août) ? Comprendre : l’article 49.3 ? Quel lien y a-t-il, entre d’une part, vieille d’un an, l’idée de « redonner de la vitalité à notre débat démocratique » et d’installer une commission transpartisane, et, d’autre part, le « projet d’ampleur » en gestation, d’où sont exclus le Rassemblement national (RN) et La France insoumise, étrangers selon lui à « l’arc républicain », et avec eux leurs 30 % ou 40 % d’électeurs ?
Le constat des affirmations changeantes vaut aussi à court terme. Ainsi, au lendemain de la mort du jeune Nahel M., tué le 27 juin 2023 par un policier à Nanterre, Emmanuel Macron parlait sans délai d’un décès « inexplicable, inexcusable ». Voici maintenant, au sujet des émeutes ayant suivi ce drame, qu’il explique au Figaro Magazine qu’à chaud « on dit toujours des bêtises ». Se taira-t-il désormais « à chaud » ?
Le triomphe de la communication permanente s’effectue sur les ruines du système politique et institutionnel, et dans le déni de la société réelle. Emmanuel Macron n’a rien fait pour endiguer la décomposition politique qui lui a permis d’accéder au pouvoir.
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