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Logement- Les raisons de la crise immobilière (Xavier Lépine)

Logement- Les raisons de la crise immobilière (Xavier Lépine)

Xavier Lépine, président de l’Institut de l’Épargne immobilière et foncière (IEIF), revient sur la crise qui secoue la crise immobilière dans la Tribune

Xavier Lépine A l’heure des injonctions plus contradictoires que jamais – le logement est inabordable pour une partie croissante de la population, les coûts d’adaptation aux dérèglements climatiques sont monstrueux, reconstruire la ville sur la ville – Patrice Vergriete, par la hauteur de vue qu’il amènera, est « l’homme » de la situation. Je n’ai qu’un seul grand regret, que son ministère ne soit que celui du logement et non pas celui de l’immobilier. A l’heure où l’avenir du bureau est questionné, où de très nombreux Français travaillent partiellement de chez eux, où l’immobilier de l’Etat est une partie intégrante de la solution, de mon point de vue, il me semble évident que les barrières des usages sont floutées et qu’une approche plus holistique de l’immobilier (résidentiel et tertiaire) serait plus efficace.

Au-delà de ces mouvements gouvernementaux, faut-il s’attendre à une crise immobilière de grande ampleur ?

L’immobilier est un temps long, très long. Et ce qui arrive aujourd’hui est la conséquence de ce qu’on appelle en mathématiques le modèle de Reasons, c’est-à-dire une accumulation d’événements parfois lointains, sans conséquences systémiques lorsqu’ils sont pris isolément, mais qui provoquent un accident « vital » par leur simple accumulation. Nous sommes entrés dans une crise structurelle qui est la conséquence de quarante années de politique du logement qui n’a fait que creuser les inégalités au lieu de les réduire. Nous sommes en effet dans une situation où en vingt ans les prix de l’immobilier ont doublé alors que les revenus n’ont augmenté que de 30% ; et sur 40 ans ils sont multipliés par 12 alors que les revenus n’ont augmenté que de 5 fois. Un mètre carré reste toujours un m² et le « logement » est devenu dysfonctionnel. Insuffisance de l’offre, vieillissement de la population, décohabitation… C’est vrai partout dans le monde et partout dans le monde il y a ce décalage croissant entre les prix de l’immobilier et les revenus où la valeur d’usage (loyer) n’a plus de relation avec la valeur d’échange (prix). Mais la France a particulièrement échoué, faute d’avoir su faire évoluer ses modèles (notamment d’avoir accepté de faire des financements à 25 ans avec des taux d’intérêts proches de zéro alors que l’offre de logement était insuffisante) et d’avoir trop politisé le débat sur le thème logement social versus privé.

Les politiques publiques en matière d’immobilier sont pourtant très volontaristes, avec des budgets conséquents. Pourquoi jugez-vous aussi sévèrement l’action de l’État ?

Nous avons eu après la Seconde guerre mondiale, et pendant près de quarante ans, une politique du logement extrêmement inclusive et bénéfique pour la population. Une succession de lois novatrices, disruptives, ont permis de lancer la machine. La loi de 1948 a certes limité la hausse des loyers mais après les avoir multiplié par trois pour rattraper l’inflation de l’occupation des années 1940 et relancer l’entretien des immeubles. Elle a permis également de développer la copropriété – renforcée à partir de 1965 – qui existait pourtant depuis le Code Napoléon. De même, pour solvabiliser la demande, a été créé le crédit immobilier à taux fixe, que tout le monde nous envie, avec une décision politique très forte à l’origine, celle de ne pas rémunérer les dépôts bancaires et pendant longtemps le monopole du crédit foncier permettant ainsi de « fixer » le coût de l’argent et par la même une très forte visibilité financière pour les ménages. Même la loi Malraux de 1962 sur les monuments historiques a permis de réduire considérablement l’insalubrité, ce qui pourrait d’ailleurs inspirer le gouvernement en matière d’isolation thermique. Enfin, la loi de 1967 a permis de développer un métier qui n’existait pas vraiment en France, celui de promoteur immobilier, pour répondre à une demande qui augmentait en flèche. Cinq ans après les rapatriements d’Algérie et surtout l’impact du baby-boom, les enfants nés par millions – 1 million par année- en 1945 ayant 22 ans en 1967 ! Et toute l’originalité française a été d’inventer la VEFA – la vente en l’état futur d’achèvement – pour développer une activité extrêmement capitalistique sans capitaux propres … à la différence des modèles anglo-saxon des REITS (promoteurs et partiellement investisseurs). Ce sont toutes des décisions extrêmement fortes, courageuses même, qui font que nous sommes passés d’une France de quelques pourcents de propriétaires en ville à une France de 58% de propriétaires. Ce qui reste en-dessous aujourd’hui de la moyenne européenne (70% en Europe avec les deux pays les plus riches d’Europe Suisse – 40% – Allemagne 50% très en dessous de la moyenne) car c’est un pourcentage qui n’augmente que marginalement depuis des années.

A partir de quand alors la politique en matière de logement a pris, selon vous, un mauvais tournant ?

L’arrêt de la convertibilité du dollar en or juillet 1971 – de fait la fin des accords de Bretton Woods – ont créé un nouveau monde et signé la fin des Trente Glorieuses, avec des monnaies instables, le triplement du prix du pétrole en 1973 – le dollar ce n’est plus de l’or et les pays producteurs l’avaient bien compris ! -, des taux d’intérêt qui grimpent, une forte inflation, du chômage et … des faillites de promoteurs en cascade. Puis une série de lois, toutes vertueuses au démarrage, a plutôt involontairement aggravé la situation. En tête, la loi de décentralisation de 1982 qui a donné le pouvoir de construire au maire avant qu’il ne s’aperçoive au bout de quelques années qu’il fallait plutôt faire moins de résidentiel et plus de bureaux pour être réélu. Après la crise immobilière de 1992-1994, la loi Perissol de 1995 incite les Français à investir dans le locatif. Ce qui revient à subventionner les catégories les plus aisées pour qu’elles achètent des logements locatifs pour les catégories les moins aisées avec comme effet de bord une sortie massive des investisseurs institutionnels du résidentiel locatif. Finalement, à chaque fois que l’État a sauvé la construction de logements, cela s’est traduit par une hausse des prix. C’était vrai pour le Perissol, c’était vrai aussi pour le Pinel qui a grandement alimenté la hausse des prix. La loi SRU de 2000 qui impose des quotas de logements sociaux a finalement malheureusement contribué à alimenter les prix du secteur libre.

Cette situation a empiré depuis les années 2000 : forte croissance mondiale très peu inflationniste avec l’arrivée de la Chine dans l’OMC, les taux d’intérêt baissent, les banques allongent la durée des crédits et les prix de l’immobilier explosent. Tout un système économique, social et fiscal dans un contexte de mondialisation qui fait qu’au total, le PIB nominal de la France a été multiplié par 7 en l’espace de quarante ans alors que la création monétaire l’a été de 50 fois. Concrètement, l’excès de croissance monétaire s’est répercuté sur les actifs, financiers bien sûr, mais également le prix de l’immobilier qui s’est envolé alors que les salaires ne suivaient que l’inflation général des prix à la consommation.

Quelle devrait être la réponse de l’État, selon vous ?

Nous avons souvent des réponses fiscales ou circonstancielles comme celles sur les meublés touristiques. Tout ceci est très cosmétique. Il serait grand temps de tout mettre sur la table et de voir vraiment ce qui marche et ce qui ne marche plus et l’État ne peut pas tout faire ; mais il peut être facilitateur. Il n’y a pas de solution unique mais un ensemble de réflexions profondes à mener. Les rénovations thermiques ne sont pas dans les moyens financiers de nombreux propriétaires alors même que l’immobilier est souvent très cher ; profitons de cette situation, l’immobilier peut servir de garantie pour autofinancer les travaux de rénovation énergétique via des prêts avance rénovation dont le capital serait remboursé lors de la mutation. Tous les jours, nous entendons de multiples petites voix qui nous disent que des centaines de milliers de logements ne seront plus louables faute d’avoir la bonne lettre (DPE)… et par ailleurs il faut démultiplier les logements sociaux… Proposons aux bailleurs privés de financer leurs travaux de rénovation en contrepartie d’un engagement à louer à des locataires éligibles au logement social (avec garantie locative). En contrepartie d’une baisse du loyer, nous adaptons le principe, déjà existant, d’un amortissement sur le bien. Cela soulage les organismes de logements sociaux et créé une mixité sociale beaucoup plus forte à l’intérieur des immeubles et nettement moins de coûts pour la collectivité.

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Et quid des millions de mètres carrés de bureaux obsolètes ?

4 millions de m² de bureaux obsolètes rien qu’en région parisienne, 1,5 millions (3% du stock) de m² de plus chaque année… L’équation financière pour en transformer une partie en logements fonctionne de mieux en mieux car le prix des immeubles obsolètes est en train de chuter, mais se heurte à une lenteur, voire à une opposition de très nombreuses municipalités. A l’heure du ZAN, du recyclage urbain et de la lutte pour le climat c’est plus que choquant. Certains pays ont décidé d’accélérer le processus en réduisant le dispositif juridique à une autorisation de travaux. Nous avons historiquement su être les leaders de l’innovation en matière de logement, retrouvons cette dynamique en associant toutes les parties prenantes au service du logement durable pour tous : élus, règlementation, banques pour financer, investisseurs où chacun doit y trouver son intérêt.

Les banques et les assureurs pourraient-ils jouer un rôle plus important ?

Les banques prêtent moins car le crédit immobilier n’est pas un produit très rentable. Mais la dernière innovation financière dans le domaine du crédit immobilier remonte à 70 ans avec le crédit à taux fixe. Je suis frappé par le conservatisme du système bancaire dans ce domaine. Il existe pourtant une très grande variété de solutions financières. Par exemple, nous pouvons envisager que les propriétaires, qui sont généralement âgés, souscrivent un prêt avance mutation – remboursé au moment du décès – pour financer non seulement les travaux d’isolation thermique mais aussi transmettre par anticipation une fraction de leur héritage et permettre ainsi à leurs enfants ou petits-enfants d’avoir l’apport nécessaire pour acquérir leur logement. Nous parlons beaucoup de la solidarité intergénérationnelle en faveur des seniors mais l’inverse doit exister dans une société où le prix n’est plus accessible pour la majorité des générations montantes. C’est autorisé en France depuis la loi de 2006 mais les banques ne le font pas. Elles sont sans doute effrayées par les excès américains qui ont conduit aux subprimes, leur devoir de conseil sur ces montages et les possibles recours des héritiers. Mais il faut rappeler que le patrimoine immobilier des Français est de 8.000 milliards et est de plus en plus concentré, une aberration économique ! La vertu est au milieu des extrêmes et de nombreux pays proposent ce type de système en les encadrant.

Vous venez de créer une start-up, Neoproprio, qui remet au gout du jour le bail emphytéotique. A quel besoin cela répond-t-il ?

Il faut en effet de nouvelles voies pour débloquer un marché du logement devenu dysfonctionnel. Nous partons d’un constat : il est devenu presque impossible d’accéder à la propriété dans une grande ville. Ne rêvons pas, les prix du neuf comme de l’ancien ne vont pas baisser de 30%, les taux d’intérêts ne reviendront pas de sitôt à 1%, les coûts d’adaptation du logement au dérèglement climatique ne vont pas faire baisser les prix, le foncier continuera d’être rare… Les constructeurs automobiles ont su répondre à cette problématique en proposant « d’acheter en location » en proposant un coût abordable et largement choisi de manière optionnelle par l’acquéreur (apport, durée, option d’achat…) sur un bien dont la valeur résiduelle ne fait que baisser pour terminer à zéro. Neoproprio, c’est l’adaptation, via le concept d’un bail emphytéotique complété par des contrats, au logement… Un bien qui, à la différence essentielle d’une voiture, généralement s’apprécie dans le temps.

Concrètement, comment cela fonctionne-t-il ?

Nous proposons donc de libérer l’accès à la propriété, le dispositif permet de réduire d’un bon 30% le coût mensuel d’acquisition qui devient ainsi très comparable à un loyer. En acquérant son logement pour une durée de 25 ans à moitié prix et bénéficiant d’un engagement de rachat à tout moment, le néopropriétaire a ainsi la certitude de récupérer lors de la revente une part substantielle des mensualités qu’il aura payées : la différence entre le prix de rachat minimum garanti et le remboursement – anticipé – du principal restant dû du crédit immobilier qu’il aura contracté lors de l’acquisition. Une épargne – l’équivalent de trois ans de loyers s’il décide de déménager au terme de dix ans – qui peut alors servir d’apport personnel pour une autre acquisition.

Entre l’État qui subventionne et les banques qui fournissent le crédit, l’intervention d’une foncière dans l’équation permet, de manière rentable pour toutes les parties, de sortir de l’impasse actuelle ! L’immobilier peut constituer un formidable levier pour l’économie et la réduction des inégalités mais il doit être repensé de manière plus financière et moins obsessionnelle. Paradoxalement aux idées généralement reçues, c’est l’insuffisance d’innovations financières dans le secteur du logement alors que le monde s’est financiarisé qui est en partie responsable de la hausse disproportionnée des prix du logement. C’est précisément ce que nous proposons aux investisseurs institutionnels : investir dans le résidentiel de manière rentable avec un impact sociétal très puissant et noble, redonner l’accès à la propriété de leur logement à des générations entières via un partage du risque et de la rentabilité équilibré entre les deux parties.

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