Niger: L’échec stratégique de la France
Après le Mali et le Burkina Faso, le putsch nigérien invite à s’interroger sur le succès des coopérations militaires françaises, qui, concrètement, reviennent à former des putschistes, estime, dans une tribune au « Monde », le politiste Marc-Antoine Pérouse de Montclos.
Le 9 mars 2017, Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la défense, vantait les mérites de l’opération « Barkhane » et de ses partenaires africains pour lutter contre les groupes terroristes au Sahel. « La France, déclarait-il dans Paris Match, a formé plus de 20 000 soldats et chaque jour, nos coups communs affaiblissent l’ennemi (…) Ces opérations menées par l’armée française avec les armées nationales montrent d’excellents résultats. »
Six ans plus tard, le coup de force au Niger pose cependant question. Dernier en date d’une longue série qui a démarré en 2020 au Mali et qui s’est poursuivie en Guinée puis au Burkina Faso, il invite plutôt à s’interroger sur les prétendus succès de coopérations militaires qui, concrètement, reviennent à former des putschistes alors que les insurgés continuent de gagner du terrain.
La France, il est vrai, n’est pas seule en cause. Outre l’Union européenne, les Etats-Unis ont par exemple fourni des formations aux militaires qui ont pris le pouvoir au Mali (Amadou Haya Sanogo en 2012 et Assimi Goïta en 2021), en Guinée (Mamadi Doumbouya en 2021) et au Burkina Faso (Paul-Henri Damiba et Ibrahim Traoré en 2022). A Bamako, Assimi Goïta et Lassine Togola, commandant par intérim du bataillon autonome des forces spéciales, récemment sanctionné par Washington, avaient ainsi participé en 2019 et 2020 à l’exercice « Flintlock » que les Américains organisent chaque année pour renforcer les capacités opérationnelles et antiterroristes de leurs alliés en Afrique.
Côté français, le renversement du président nigérien Mohamed Bazoum, élu en 2021, a cependant des conséquences plus profondes. En effet, il ne met pas seulement en évidence l’ineptie de coopérations militaires que les parlementaires, à quelques exceptions près, n’ont jamais eu le courage de confronter sérieusement, de crainte d’être aussitôt accusés de gauchisme ou de laxisme à l’égard de la menace terroriste. A plus long terme, le coup de force au Niger démontre aussi les limites stratégiques d’une puissance moyenne qui n’en a pas fini de purger son passé colonial.
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