Perspectives économiques–Quelle évolution de l’inflation ?

Perspectives économiques–Quelle évolution de l’inflation ?

L’inflation qui s’affichait à 5,8% en juin reste encore loin de la cible des 2%. Christopher Dembik, directeur de la recherche macro-économique chez Saxo Bank, analyse pour La Tribune les marges de manœuvres de la BCE.

La BCE devrait annoncer une nouvelle hausse de taux jeudi, pourtant ça ne semble pas avoir d’effet concret sur l’inflation sous-jacente au sein de la zone euro contrairement aux Etats-Unis qui se sont même permis de marquer une pause lors de la précédente réunion, même si la Fed devrait, à nouveau, annoncer un relèvement le 26 juillet prochain. Pourquoi ?

CHRISTOPHER DEMBIK – Il y a une première réponse à cette question : la BCE a commencé son cycle de hausses de taux quelques mois plus tard que les Etats-Unis. Or, il faut généralement neuf à dix-huit mois pour constater l’impact des relèvements sur l’économie. Ce qui explique qu’il y ait déjà un décalage de l’impact de la politique monétaire dans la zone euro par rapport aux Etats-Unis.

Autre point important, il y a, aux Etats-Unis, une structure globalement unifiée entre les Etats alors que du côté européen, la BCE doit composer avec les vingt-sept Etats membres qui ont chacun leurs propres spécificités. Par exemple, l’Espagne connaît une tendance à la désinflation très marquée avec des prix à la production en contraction alors qu’en Allemagne le processus de désinflation est un peu plus lent. Cela complique donc la tâche de la BCE pour mener sa politique monétaire.

Cet écart tient également à la nature même de l’inflation. Aux Etats-Unis, lors de la crise sanitaire, les mesures de soutien en faveur des ménages ont largement permis de préserver leur pouvoir d’achat, leur permettant de se constituer un surplus d’épargne ce qui, d’une certaine manière, était inflationniste puisque cela leur a permis de davantage consommer. Un phénomène que l’on n’a pas observé en Europe où les dispositifs ont été très différents d’un pays à l’autre. Ainsi, aux Etats-Unis c’est davantage une inflation par la demande alors que du côté européen elle est plutôt liée à l’offre. En effet, dans l’UE, c’est le coût des intrants dans le processus de production, comme l’énergie ou les matériaux provenant de Chine ou d’Inde, qui tire les prix à la hausse.

Zone euro : l’inflation va-t-elle vraiment revenir à son niveau d’avant-crise ?

L’exercice de la BCE est extrêmement compliqué car personne n’est en mesure de dire à quel niveau se situera l’inflation au-delà de trois mois. De plus, on a réfléchi avec une logique qui datait d’avant la crise sanitaire : celle de dire que si on augmente les taux, cela va provoquer des faillites d’entreprises donc du chômage et donc une récession. La réalité est pourtant tout autre désormais, et Jerome Powell [le président de la Fed, ndlr] l’a bien souligné lors du forum de la BCE : les corrélations qui valaient avant le Covid-19 d’un point de vue économique ne fonctionnent plus désormais. Cela peut être temporaire ou peut-être sommes-nous face à un vrai changement de paradigme, mais cela illustre du moins toute la difficulté de faire des exercices de prévision dans la situation actuelle. On le voit également aux Etats-Unis où on a longtemps annoncé une récession. Or ce n’est clairement pas le cas. L’économie est plus difficile à prévoir, même sur six mois.

Une légère récession, est-ce si grave ?

L’Espagne, l’Italie et la Grèce ne cessent d’alerter la BCE contre de futures hausses de taux. Quels risques de nouveaux relèvements pourraient-ils faire peser sur ces économies ?

Elles ont conscience que si on normalise davantage la politique monétaire actuelle, le coût d’emprunt global va de facto augmenter pour toute la zone euro, et ce, davantage pour leurs pays que, par exemple, pour la France. Et pour cause, la Grèce, notamment, présente un taux d’endettement à 178 % du Produit intérieur brut (PIB). Elle pourrait alors avoir des difficultés pour se financer sur les marchés du fait d’un manque de confiance de la part des investisseurs. Ce n’est, pour autant, pas ce qu’on observe. Dans le cas de l’Italie par exemple, qui avait, en début d’année, l’objectif de lever 5 milliards d’euros. Elle est finalement parvenue à en lever 26 milliards. En effet, nous ne sommes pas dans la situation de 2012 marquée par une crise de la dette qui avait largement touché les pays du sud de l’Europe. Désormais, la politique monétaire se transmet bien, et si demain, on devait aider un pays en difficulté, on disposerait des mesures nécessaires pour intervenir de manière efficace. De quoi rassurer les investisseurs. Sans compter que ces pays du sud de la zone euro connaissent, actuellement, une performance économique bien meilleure que les pays du centre.

En revanche, il existe un risque pour les entreprises qui peut inquiéter les gouvernements italiens ou encore grecs. En effet, si le coût d’emprunt augmente trop du fait du resserrement monétaire, nombreuses sont celles qui risquent de se retrouver en difficulté car elles ne pourront plus accéder au crédit bancaire et donc ne pourront plus se refinancer ou investir, ce qui pénalisera leur croissance future. L’Etat devra alors choisir ou non de mettre les moyens pour les sauver. Donc, à mesure que la BCE relève ses taux, la question qui se pose est : quel va être l’impact pour les entreprises ? Or, on commence d’ores et déjà à constater des difficultés dans tous les pays de la zone euro, à commencer par les TPE et PME comme en France. Et on sait qu’elles constituent le premier étage de la fusée.

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