La police victime expiatoire de la justice ?
Les prises de position d’une partie de la police contre des décisions de justice nourrissent l’idée d’une institution partiale, aveugle aux difficiles conditions de travail des agents, et donc moins crédible, considère l’avocat au barreau de Paris Vincent Brengarth dans une tribune au « Monde ».
En juin 2020, des policiers manifestaient leur mécontentement contre la suppression de la clé d’étranglement, en jetant symboliquement brassards et menottes au sol. Cette pression sur le pouvoir politique a sans conteste contribué à l’affaiblissement et au départ de Christophe Castaner, alors ministre de l’intérieur. En mai 2021, des policiers municipaux de Nice jetaient également leurs menottes, cette fois pour contester la décision du Conseil constitutionnel censurant notamment l’ex-article 24 de la loi « sécurité globale » qui pénalisait la diffusion malveillante de leur image.
Le 27 juin 2023, les syndicats Alliance et UNSA-police réagissaient dans un communiqué au placement en détention provisoire de l’auteur du tir mortel sur Nahel M. à Nanterre, en soutenant : « Les policiers sont au combat car nous sommes en guerre. Demain nous serons en résistance et le gouvernement devra en prendre conscience. » Certains termes évoquent la tribune signée par vingt généraux le 21 avril 2021 dans Valeurs actuelles, mettant en garde le pouvoir exécutif contre un « délitement » et agitant le spectre d’une « guerre civile ». Florence Parly, alors ministre des armées, avait rapidement demandé des sanctions contre les signataires.
Dimanche 23 juillet, Frédéric Veaux, directeur général de la police nationale, a déclaré au Parisien, avant d’être soutenu par Laurent Nunez, préfet de police de Paris : « De façon générale, je considère qu’avant un éventuel procès, un policier n’a pas sa place en prison. » Emmanuel Macron n’a pas commenté ces propos lors de son interview le 24 juillet, se bornant à affirmer que « nul en République n’est au-dessus de la loi », malgré son rôle de garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire, selon l’article 64 de la Constitution.
Ces différentes prises de position d’une partie de la police contre des décisions de justice ne sont aucunement anecdotiques. Au contraire, elles témoignent de l’exercice d’une contrainte morale aussi bien sur l’appareil judiciaire que sur le pouvoir politique. Et nourrissent l’idée, en particulier lorsqu’elles interviennent en soutien de fonctionnaires mis en cause, d’une justice partiale, aveugle de la réalité des conditions de travail difficiles des fonctionnaires de police. Les policiers mis en cause ne sont pourtant pas les victimes expiatoires du système judiciaire. Ils ne doivent bénéficier d’aucun passe-droit, même si, dans le même temps, la société doit leur offrir les conditions d’exercer normalement leurs
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