Chili : »l’hydrogène vert » le moins cher du monde
Premier producteur mondial de cuivre, le Chili ambitionne également de devenir un acteur majeur dans la production d’hydrogène vert comme l’explique pour la Tribune Nicolás Grau, ministre chilien de l’Economie, qui détaille la stratégie du gouvernement pour faire du Chili, déjà très avancé dans sa transition, un leader des industries vertes. En réalité il y a beaucoup d’ambiguïtés sur le caractère réellement vert de l’industrie du Chili ( comme ailleurs) et les batteries électriques sont évidemment loin d’être vertes. ( dans la Tribune)
Avec la transition écologie et industrie verte, vous voyez l’image du Chili changer ?
Depuis dix ans, les préoccupations autour de l’environnement, climat et biodiversité en tête, bouleversent les économies de nombreux pays. Le Chili a l’opportunité de devenir un acteur majeur de la transition verte en tant que producteur de cuivre, de lithium et potentiellement de l’hydrogène vert le moins cher du monde. La lutte contre le réchauffement climatique va être le principal moteur de notre croissance. Les pays, surtout européens, s’en rendent compte. Ils voient le Chili comme un partenaire stratégique de la transition verte. L’urgence de la transition écologique donne au Chili un avantage économique significatif.
De notre point de vue, il est important d’enclencher une dynamique d’industrialisation au Chili pour faire monter en compétences notre économie et ainsi être capable de créer des liens entre des grands investisseurs mondiaux et nos entreprises, petites et grandes, d’avoir plus de transferts technologiques, et d’augmenter les salaires.
Quelles industries comptez-vous précisément développer ?
Dans le cas du lithium, nous avons l’opportunité de produire au Chili entre l’étape d’extraction du lithium et la fabrication des batteries. Les contrats signés avec les groupes miniers exploitant le lithium d’Atacama imposent que 25% de leur production serve ensuite à fabriquer quelque chose au Chili, avant éventuellement d’être réexportée. Voilà pourquoi nous voulons une compagnie nationale du lithium : pour développer ce genre de mécanisme de contreparties.
Des progrès ont été accomplis mais on peut encore continuer de remonter la chaîne de valeur. Nous maîtrisons déjà des procédés industriels sophistiqués. Porsche a inauguré une usine de carburants synthétiques au sud du Chili, alimentée en électricité éolienne pour produire de l’hydrogène vert, à partir duquel sera fabriqué le carburant.
Pour ce qui est de l’hydrogène vert, le Chili dispose de deux grands avantages. D’abord, le coût des énergies renouvelables est très bas parce que l’énergie solaire au Nord et l’énergie éolienne au Sud sont incroyablement fiables. Nous avons aussi accès à l’eau, à des ports, à des infrastructures.
Dans le même temps, notre transition vers les énergies renouvelables a été une vraie réussite sur les dix dernières années. Nous avons maintenant de l’expérience, du savoir-faire. Ce n’est pas juste du potentiel. Nous mettons déjà à profit ces avantages, ce qui explique l’expansion de notre production d’énergie renouvelable (ndlr, le pays vise 70% de consommation d’énergies renouvelables en 2030).
Comment allez-vous allez financer ces investissements colossaux ?
D’abord et principalement par des fonds privés. Mais l’investissement privé n’arrivera pas tout seul. Pour accélérer les immenses investissements requis dans l’industrie verte, nous avons créé un fonds de garantie, financé par des institutions internationales comme la Banque mondiale. Il est déjà doté d’un milliard de dollars pour fournir des garanties financières, capable d’attirer et de couvrir 12 milliards d’euros d’investissement au Chili. Cela va être une source de financement.
Notre stratégie est tellement ambitieuse que l’investissement public total pourrait être le double de ces 12 milliards de dollars. Le financement se fera par une combinaison de plusieurs instruments, entre autres ce que proposeront les entreprises privées, l’Etat chilien et la communauté internationale.
L’Amérique latine possède plus de la moitié des ressources connues de lithium. Vous partagez le plus grand gisement au monde avec la Bolivie et l’Argentine. Envisagez-vous un jour de créer un cartel du lithium pour en contrôler le prix, sur le modèle de l’OPEC avec le pétrole ?
Nous avons beaucoup à faire ensemble en Amérique Latine. Néanmoins, nous sommes tous à des stades différents de nos productions. Le Chili est actuellement deuxième producteur mondial de lithium. La création d’un cartel n’est pas à l’ordre du jour.
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