Ecologie et démocratie
La juriste Mathilde Hautereau-Boutonnet s’inquiète, dans une tribune au « Monde », des menaces que la priorité donnée aux politiques environnementales fait peser sur les libertés individuelles.
La lutte contre le réchauffement climatique mérite-t-elle de mépriser nos libertés individuelles ? La question se pose lorsque l’on écoute certains propos récemment médiatisés. Tandis que l’activiste du climat Camille Etienne, à l’occasion de la parution de son premier livre (Pour un soulèvement écologique, Seuil, 176 pages, 18 euros), fustige les « puissants » qui organisent notre « apathie » face à l’urgence écologique, et leur oppose une démocratie subordonnée aux « limites planétaires » comme réalités « non négociables », l’ingénieur Jean-Marc Jancovici appelle à instaurer un système de quotas qui n’autoriserait les Français à effectuer au cours de leur vie que quatre déplacements en avion.
Dans les deux cas, qu’il prenne ses racines dans le militantisme écologique anticapitaliste ou le réalisme scientifique chiffré, le discours aboutit au même résultat : fermer la porte à tout débat sur l’atteinte aux libertés individuelles à laquelle conduisent incidemment ces propositions. Les faits parlent d’eux-mêmes, ils nous imposent de ne pas penser autrement, la liberté n’existant que parce qu’elle est collective, pour l’une, et la restriction proposée n’étant que « casse-bonbons », pour l’autre !
Ce résultat est regrettable. Il prive le public d’un élément important pour comprendre comment la lutte contre le réchauffement climatique peut s’opérer dans le respect de l’Etat de droit, seul « terrain de jeu » véritablement non négociable.
Au cœur de cet Etat de droit se trouvent justement nos libertés individuelles et, parmi elles, la liberté d’entreprendre, le droit de propriété et la liberté d’aller et venir. Socle de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) de 1789, celles-ci nous ont jusqu’alors permis de vivre dans une société développée dont nous tirons encore bien des profits.
Certes, ces libertés peuvent être encadrées. Parce que « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » (art. 4, DDHC), le législateur peut créer des règles portant atteinte à leur exercice, d’autant plus que dans le domaine environnemental, outre le fait que la charte constitutionnelle de l’environnement reconnaît depuis 2005 des droits et des devoirs environnementaux, le Conseil constitutionnel fait de la protection de l’environnement un objectif à valeur constitutionnelle justifiant, au nom de l’intérêt général, les atteintes à certaines libertés.
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