Russie: dictature numérique aussi

Russie: dictature numérique aussi

Sous la direction de trois universitaires et chercheurs, Françoise Daucé, Benjamin Loveluck, et Francesca Musiani, une équipe de spécialistes s’est penchée sur ce phénomène qui a conduit l’Etat russe à restreindre les libertés virtuelles au même titre que les libertés publiques. ( dans Le Monde)

L’invasion de l’Ukraine en février 2022 a certes représenté une étape supplémentaire dans « l’enrôlement d’Internet au service de la politique belliciste » de Vladimir Poutine. Pour un message hostile à « l’opération spéciale » publié sur les réseaux sociaux, des dizaines de Russes ont été inquiétés ou condamnés à des peines de prison. Mais les auteurs démontrent que le tournant a été pris dès les années 2010, par le biais de « l’instrumentalisation du droit (…), l’autocensure et l’intimidation des fournisseurs d’accès Internet et téléphonique ». Créé en 2008, Roskomnadzor, l’organisme de supervision des communications, a vu ses prérogatives s’étendre rapidement : contrôle des contenus en ligne, blocage de sites, établissement d’une liste noire. En parallèle, le « RuNet », l’Internet russophone, s’est mué en « outil parmi d’autres du projet politique impérial des autorités russes (…), voire un outil du “cyberimpérialisme” ».

A l’interdiction de manifester s’est donc juxtaposée la reprise en main de l’outil numérique. Une démarche soutenue par la loi sur un « Internet souverain » adoptée en 2019, « dans le but officiel de protéger le pays contre des cyberattaques », et par la loi dite « contre Apple », l’année suivante, contraignant les opérateurs à préinstaller des applications de fabrication russe sur les smartphones. Il y eut bien une résistance numérique acharnée pour maintenir la fenêtre ouverte. L’opposant Alexeï Navalny et son réseau, en particulier, ont exploité toutes les failles de contournement pour diffuser des enquêtes sur la corruption des élites liées au régime. En janvier 2021, deux jours après l’arrestation de leur chef de file, les partisans de celui-ci publiaient encore une enquête, commentée par ses soins, sur un palais de Vladimir Poutine au bord de la mer Noire.

Mais, d’année en année, l’emprise de la propagande, au service du pouvoir, n’a cessé de progresser. L’entreprise privée Yandex, fleuron de l’industrie technologique russe, a perdu de son autonomie, en plus d’être concernée par les sanctions internationales. Lancé en 2004, le moteur de recherche Yandex News, l’équivalent de Google Actualités, fait aujourd’hui l’objet d’un encadrement strict de son système d’information. En décembre 2022, un proche du chef du Kremlin, Alexeï Koudrine, ancien président de la Cour des comptes, a d’ailleurs annoncé qu’il rejoignait la direction du groupe. Tout au long de l’ouvrage, la description de cet « autoritarisme numérique » est aussi précise qu’implacable. Un seul regret : il n’explore pas assez les échanges de procédés, pourtant nombreux, effectués avec la Chine de Xi Jinping.

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