Les émeutes révèlent la société du simulacre

Les émeutes révèlent la société du simulacre

par Vincent Lamkin, Associé-fondateur de l’agence Comfluence et Président d’Opinion Valley, spécialiste de la communication institution. tribune dans l’Opinion

Il arrive que la réalité dépasse la fiction, il arrive aussi que le simulacre efface le réel… Telle est la morale politique qu’il faudrait tirer des événements qui ont suivis la mort déplorable d’un jeune délinquant de 17 ans. « La simulation est infiniment plus dangereuse, car elle laisse toujours supposer, au-delà de son objet, que l’ordre et la loi eux-mêmes pourraient bien n’être que simulation », écrivait le philosophe Jean Baudrillard, en 1981, dans Simulacres et simulation. Nous y sommes. En dépit des apparences, c’est bien à un gigantesque simulacre d’autorité, d’indignation et d’empathie, que nous sommes priés d’assister.

Irresponsabilités. Simulacre de colère et de violence justicière quand c’est la haine de la France et de l’Etat de droit qui officie. Simulacre d’empathie, qui tient de la solidarité crapuleuse, avec en tête d’affiche des élus et responsables politiques pitoyables, dont la démagogie et l’irresponsabilité atteignent des sommets d’indignité. Simulacre républicain de fermeté, surmonté d’une minute de silence qui restera, quant à elle, comme un sommet d’amalgame et de lâcheté.

Simulacre de pouvoir, quand le régalien se trouve rongé par le réel : simulacre de justice quand la quantité des peines inexécutées invalide la fermeté répressive ; simulacre d’unité nationale quand le repli et le reniement des valeurs républicaines dans l’espace public révèlent l’obsolescence programmée des politiques d’assimilation ; simulacre d’égalité quand l’école laïque et républicaine abandonne ses classes au désordre et ses mineurs à la rue ; simulacre du « quoi qu’il en coûte » dans une France exsangue, qui vit à crédit ses politiques publiques et à laquelle il en coûte bien plus que ce que l’on feint de croire. Mais après nous le déluge…

Faut-il rappeler que le 15 février, le 3 avril, le 17 mai, le 6 juin… Des jeunes de 17 ans, de 19 ans, de 11 ans, de 16 ans ont trouvé la mort dans des règlements de compte liés au trafic de drogue. Bien sûr, personne n’a vu d’émeutiers, ni de personnalités, s’en indigner !
Simulacre d’humanisme des people, qui croient opportunément servir leur image, quand ils consacrent, par exemple, la mort d’un « ange », au seul motif qu’un mineur a été tué par un représentant des forces de l’ordre, c’est-à-dire des forces du mal…

Violence. Faut-il rappeler que le 15 février, le 3 avril, le 17 mai, le 6 juin… Des jeunes de 17 ans, de 19 ans, de 11 ans, de 16 ans ont trouvé la mort dans des règlements de compte liés au trafic de drogue. Bien sûr, personne n’a vu d’émeutiers, ni de personnalités, s’en indigner ! Les casseurs qui ont soif de justice quand il s’agit de braquer la République ne sont pas étrangers au système qui produit ces morts-là. Mais la vie des jeunes importe peu aux émeutiers qui s’émeuvent, surtout quand elle ne leur sert pas, dans la pire violence, à éloigner et à discréditer toute forme de représentation de l’ordre public dans l’espace public afin d’agir en toute impunité.

Certains ont commenté les images de quartiers embrasés traversés de véhicules blindés charriant des voitures incendiées sur leur passage, les comparant à des images de jeu vidéo, eux-mêmes inspirés de scènes de guérilla. C’est que « le réel ne s’efface pas au profit de l’imaginaire, il s’efface au profit du plus réel que le réel : l’hyperréel. Plus vraie que le vrai : telle est la simulation […]. Je dirais même que c’est là […], dans cette hystérésie du “réel” et du principe de réalité, qu’est la véritable imposture de notre temps », nous dit encore Jean Baudrillard.

Le pays irréel a de beaux jours devant lui… Puisque quand auront cessé les violences décidées par les hors-la-loi, on simulera un retour à la normale, comme si le sommeil apparent d’un symptôme valait résorption de la pathologie sociale.

Pourtant, la toile de fond n’aura pas changé, mais ce qui sera retourné dans le réel n’aura plus cours dans le champ médiatique où la parole politique affichera, là, sa fermeté – dont on sait qu’elle ne sera pas à la hauteur des guerres que certains font à la République –, là sa solidarité, dont on sait qu’elle n’est qu’une navrante complaisance électoraliste dont le peuple serait pourtant la première victime.

C’est que la communication est devenue l’arme du simulacre… Et elle est entre toutes les mains !

Associé-fondateur de l’agence Comfluence et Président d’Opinion Valley, Vincent Lamkin est un spécialiste de la communication institution.

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