L’ alternative « de l’hydrogène vert » ?

L’ alternative « de l’hydrogène vert » ?

Valérie Ruiz-Domingo, vice-présidente hydrogène d’ Engie revient sur les questions qui se posent encore sur le développement de cette filière. Dans la Tribune.

Un propos intéressant mais un peu flou et à relativiser dans la mesure où en matière d’électricité « Engie » parle de commercialiser » l’électricité verte » qui n’a évidemment aucun sens puisqu’il n’existe qu’un seul réseau pour la distribution de cette énergie. NDLR
Interview:

En matière d’hydrogène n’y a-t-il pas du retard à l’allumage?

Tous les acteurs sont concernés. Cela s’explique par le contexte de marché et régulatoire. Nous avions un manque de visibilité sur la régulation européenne. Après presque 18 mois d’attente, les actes délégués ont enfin été publiés le 20 juin dernier par la Commission européenne. Nous espérons que cela va permettre d’accélérer le développement de tous les projets.

Un autre frein a été identifié du côté des fabricants d’électrolyseurs, où nous constatons un problème sur la fiabilité des équipements. La technologie alcaline est maîtrisée depuis une quinzaine d’années, mais les fabricants doivent répondre à de nouveaux standards européens. Ils sont désormais obligés de s’engager sur des performances énergétiques. Ce sont des contraintes qui sont fortes. Il y a donc une courbe d’expérience où l’on apprend tous en même temps, alors qu’on aurait pu imaginer que c’était déjà acquis. Lorsque nous faisons des appels d’offres, cela prend plus de temps que prévu. Nos concurrents sont exactement dans la même situation.

Ces deux contraintes (sur la régulation et la fiabilité) expliquent que tout le monde est en retard par rapport à différents objectifs. À cela, s’ajoute la longueur des procédures en Europe pour l’obtention du financement de nos projets. Entre le moment où nous déposons un dossier de candidature dans le cadre d’un Projet important d’intérêt européen commun (PIIEC) ou le fonds d’innovation, et le moment où nous savons que nous sommes sélectionnés pour obtenir un financement, deux années peuvent s’écouler. C’est une contrainte temporelle que personne n’avait vue non plus.

Enfin, l’Etat français a décidé de ne pas financer les projets d’infrastructures comme les stockages et les pipes qui seraient dédiés à l’hydrogène. Les autorités publiques françaises considèrent que ce sera envisageable post 2030, mais cela n’entre pas dans l’enveloppe des 9 milliards d’euros consacrée à la stratégie hydrogène du pays. Nous ne sommes pas à l’abri d’une bonne surprise lors de la révision de la stratégie prévue cet été, mais nous n’avons aucune certitude. Sur nos projets, cela explique que nous restons à l’échelle de démonstrateurs, car, sans financement, c’est très compliqué d’aller au-delà et d’accélérer.

En France, le rythme de développement des énergies renouvelables est-il suffisant pour produire de l’hydrogène vert par électrolyse ?

Nous avons effectivement un gros sujet français : les volumes disponibles des renouvelables. Le rythme de développement n’est pas suffisant. Nous avions demandé qu’au sein de l’enveloppe des énergies renouvelables qui doit absolument être déployée, il y ait un volume qui soit dédié à la production d’hydrogène. Ce que nous n’avons pas encore obtenu aujourd’hui. Donc, sans renouvelables, cela va être très difficile de faire de la production d’hydrogène vert en France, voire en Europe, car il y a la compétition avec les Etats-Unis, qui pourraient attirer de nombreux investisseurs grâce au déploiement de l’Inflation reduction act (IRA).

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Justement, il y a quelques mois, Catherine MacGregor partageait ses craintes quant au risque d’une réglementation européenne trop restrictive pour faire émerger un marché. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Le fameux critère de temporalité va être très contraignant, car jusqu’en 2028, il y aura un pas de temps à la journée et post 2028, le pas de temps ce sera à l’heure. Concrètement, si nous vulgarisons, cela signifie que la production générée par un parc solaire ou éolien devra être utilisée dans l’heure par les électrolyseurs pour produire de l’hydrogène. Autrement dit, cela signifie que vous ne pouvez pas produire de l’hydrogène quand vous le souhaitez. C’est très contraignant. Il y a tout de même eu une progression, car initialement les textes européens prévoyaient un pas de temps de 15 minutes. Mais cela va vraiment poser un problème à tous les acteurs en Europe.

Est-ce que cela signifie que cela pourrait tuer une filière qui n’est pas encore née ?

Il ne faut pas faire de généralité, tout dépendra de la position géographique des projets et de la dépendance des renouvelables. Toutefois, si nous additionnons toutes les contraintes précédemment mentionnées, certains porteurs de projets décideront de développer leur projet ailleurs qu’en Europe. Une chose est sûre, tous les acteurs regardent d’autres continents. L’Europe a été pionnière, il y a quelques années, en voulant créer un cadre, mais la difficulté d’aligner l’ensemble des acteurs entraîne des contraintes que les autres régions du monde n’ont pas.

L’Allemagne a mis en place une plateforme qui permet de subventionner l’importation d’hydrogène et ses dérivés. Que pensez-vous de cette initiative ?

Cette plateforme fonctionne sous la forme de vente aux enchères. Certains projets seront sélectionnés et c’est l’Etat allemand qui compensera le différentiel de prix qu’il y aura entre celui des projets proposés et le prix des acheteurs potentiels. C’est un instrument très puissant. Les Pays-Bas vont dupliquer exactement la même chose. Cela fait très longtemps que l’on demande des contrats pour différence comme celui-ci. Nous avions demandé à l’Etat français de participer à cette plateforme, mais c’est une voie qui n’a pas été retenue. Les autorités françaises restent sur une ligne de dire qu’on va produire et consommer l’hydrogène en France. Elles ne parlent jamais d’importation, contrairement à l’Allemagne, qui a toujours dit qu’il y aurait très peu de production sur son sol et qui prévoit d’importer massivement.


Pour importer cette molécule, l’Allemagne prévoit justement de se tourner vers la Namibie, qui souffre d’un stress hydrique chronique. Or, pour générer de l’hydrogène, l’électrolyse nécessite de grandes quantités d’eau pure. Certains observateurs dénoncent un « néocolonialisme vert ».Ces critiques sont-elles justifiées selon vous ?

Engie, pour sa part, n’ira pas faire de projet en Namibie. Plus généralement, il faut bien sûr tenir compte de la rareté de l’eau au même titre que la rareté des renouvelables que j’évoquais précédemment. Je pense qu’il ne faut pas entrer dans ce type de débat. On constate que certains essaient d’opposer différents procédés : l’hydrogène renouvelable, l’hydrogène produit à partir du nucléaire et l’hydrogène bleu [produit avec du gaz naturel, associé à un système de captage de CO2, ndlr]. Nous, ce que nous disons c’est que le marché n’est pas mature et que nous avons besoin de toutes les sources d’énergies pour développer la filière. Nous avons des objectifs dans l’hydrogène renouvelable, mais si transitoirement il faut développer de l’hydrogène bleu, nous le ferons.

Alors que l’Europe a choisi de soutenir la demande d’hydrogène propre, les Américains, eux, se concentrent sur l’offre…

Effectivement, les textes européens comme RED 2 et RED 3 [les directives sur les énergies renouvelables, ndlr] ou encore le paquet Fit for 55 fixent des niveaux de décarbonation pour les industriels, ce qui stimule la demande. Les Américains, eux, se focalisent sur la production avec un système très simple via les crédits d’impôts. Il n’y a pas de système de procédure de sélection. C’est donc très séduisant sur le papier. Mais attention, attendons de voir les décrets d’application de l’IRA, qui ne sont pas encore sortis. Nous ne savons pas s’ils vont s’inspirer de certaines contraintes européennes, comme le critère de temporalité, pour l’appliquer sur le sol américain.

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