Intelligence artificielle, les limites
Comme l’évoque la métamorphose criminelle de l’ordinateur HAL dans 2001 : l’odyssée de l’espace, de Stanley Kubrick (1968), la perspective nourrit autant d’angoisse que d’enthousiasme. Le philosophe Daniel Andler, l’un des meilleurs spécialistes des sciences cognitives, publie opportunément, en cette heure de gloire des technosciences, Intelligence artificielle, intelligence humaine : la double énigme, somme dense, efficace, car pleine de savoir et d’humour, qui saura dégriser les anxieux comme les inconditionnels.( dans Le Monde)
S’il ne conteste pas l’importance du saut qualitatif ainsi franchi, marqué par l’émergence d’un « réveil éthique » dans une discipline qui ne s’intéressait jusque-là qu’aux prouesses intellectuelles, Daniel Andler prend à rebours l’opinion courante et toute une tendance philosophique fascinée par le brouillage croissant entre le cyborg et l’humain, en démontrant que l’écart entre la technologie et l’homme, loin de s’être comblé, s’est accru. Par une reconstitution précieuse de l’histoire de l’IA, qui occupe la première partie de l’essai, il montre à quel point la réalité des progrès et des échecs de l’IA contredit la « rhétorique de la victoire inéluctable ». Ce triomphalisme propre à la culture de la « numérisphère » (population de programmeurs et d’entrepreneurs qui s’épanouit à côté des chercheurs) n’est d’ailleurs pas sans rappeler les prophéties sur la victoire du prolétariat ou les discours confondant le capitalisme libéral avec une loi de nature, sans alternative possible ni pensable.
« Intelligence artificielle, intelligence humaine : la double énigme », de Daniel Andler, Gallimard, « NRF essais », 434 p., 25 €, numérique 18 €.
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