France: Ne pas devenir le leader européen de la dette

France: Ne pas devenir le leader européen de la dette

INTERVIEW – Le président de la Cour des comptes Pierre Moscovici (Futur patron de la Cour des Comptes) espère que la France ne va pas devenir le leader européen de la dette dans une interview au JDD:

Comment y parvenir ?

Cela passe par une revue en profondeur de la dépense en y associant toutes les parties prenantes : la Cour des comptes y prendra toute sa part à travers une dizaine de notes thématiques que je rendrai publiques début juillet. Enfin, il est indispensable de voter cet été une loi de programmation des finances publiques assise sur une trajectoire assortie d’hypothèses réalistes. C’est politiquement indispensable.

Comment réagissez-vous au maintien de la note de la France ?</strong
Les agences de notation ne sont pas des oracles. Prenons cette bonne nouvelle comme un signe de confiance attentive, pas comme un blanc-seing ou une incitation au relâchement. S&P a reconnu la solidité de la France. Notre économie est solide, résiliente et dynamique, avec des rentrées fiscales assurées. Nous sommes un pilier de la zone euro et notre relation avec l’Allemagne est forte. L’agence prend acte d’engagements pour consolider nos finances publiques. Il faut maintenant les concrétiser.

Ne nous retrouvons-nous pas dans un corner ?</strong
Ne soyons pas obnubilés par ces notes. Agissons pour nous-mêmes, pour faire face aux défis d’un monde changeant et dangereux pour les générations futures. C’est un signal positif, comme le dit Bruno Le Maire. Mais nos problèmes sous-jacents demeurent. Nos finances publiques restent dégradées. Elles ne sont pas à la hauteur de notre position. La dette de la France s’élève à plus de 110 % de sa richesse nationale et son déficit public est proche de 5 %. Si nous n’accélérons pas notre désendettement, nous serons le dernier pays membre de la zone euro à passer sous la barre des 3 % : ce n’est pas satisfaisant. Surtout, le durcissement du crédit fait que le service de la dette de la France aura triplé entre 2021 et 2027, pour atteindre plus de 70 milliards d’euros. Il sera alors le deuxième, voire le premier budget de l’État. C’est une dépense improductive et même contre-productive, et autant d’argent en moins pour financer des investissements d’avenir indispensables, dans l’écologie, l’éducation, la santé ou la défense, et libérer l’action publique. Retrouvons des marges de manœuvre !


La réforme des retraites a-t-elle été une bonne décision ?

Ce n’est pas mon rôle de me prononcer sur ce point. La France a besoin de réformes pour réduire ses déficits. Elle doit mener une politique ambitieuse et continue et sortir à court terme du « quoi qu’il en coûte » et de la politique du chéquier. La réponse aux crises ne doit pas peser sur les seules dépenses publiques.

Faire descendre la dette à 108 % du PIB et passer sous les 3 % de déficit public d’ici à 2027 sont-ils des objectifs atteignables et suffisants ?

Ils sont évidemment atteignables compte tenu de l’inflation et peuvent même être dépassés. Mais ne nous contentons pas d’afficher des chiffres comme des totems. Soyons ambitieux. La France ne doit pas être un leader européen de la dette.

Quelle est la bonne trajectoire de redressement ?
Nous devons d’abord muscler la croissance. Cela passe au premier chef par l’emploi et davantage d’investissements. Nous devons aussi consolider nos recettes, en renforçant la lutte contre la fraude sociale et fiscale et en faisant un examen attentif des dépenses sociales et fiscales. Nous ne sommes pas, par ailleurs, en situation de faire des baisses d’impôts sèches : toute baisse doit être financée par une autre recette ou une diminution de dépenses. Surtout, il faut agir sur l’angle mort de notre politique économique en déployant une maîtrise intelligente de la dépense. Sans austérité ni coups de rabot, mais en soulevant le capot des politiques publiques pour voir ce qui marche et ce qui ne marche pas. Ce n’est pas notre culture : changeons-en !

La réponse aux crises ne doit pas peser sur les seules dépenses publiques


L’exécutif va demander à chaque ministère une coupe budgétaire de 5 %, est-ce la bonne approche ?

La Cour des comptes n’est pas Matignon ou le ministère des Comptes publics, mais une institution indépendante ! Notre rôle est d’analyser la qualité et l’efficacité de la dépense et de soumettre nos propositions aux Français. Nos concitoyens veulent bien payer des impôts s’ils en ont pour leur argent. C’est à cette attente qualitative qu’il faut répondre pour les réconcilier avec leur dépense publique. Inscrivons-nous dans une trajectoire de finances publiques à la hauteur de nos engagements européens.

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