Le statu quo scolaire : une défense de castes
Par François Dubet , Sociologue, dans le Monde
Un article intéressant mais qui fait l’impasse sur d’autres facteurs explicatifs de la faiblesse du niveau scolaire des élèves français dans les classements internationaux. NDLR
Personne ne peut plus ignorer que l’école française est plus inégalitaire que ce que supposerait le seul impact des inégalités sociales sur les performances scolaires. Contre nos convictions les plus affirmées, et malgré l’engagement des enseignants, l’école française en rajoute aux inégalités sociales. De la même manière, notre école est parmi les plus reproductrices : la position sociale des parents y détermine plus qu’ailleurs les parcours scolaires des élèves.
L’explication de cette singularité n’est pas simple, mais une chose est sûre : les collèges et les lycées français sont particulièrement ségrégués. Cela signifie que les établissements les plus favorisés, d’une part, et les moins favorisés, d’autre part, participent d’un séparatisme scolaire accentuant fortement le seul jeu des inégalités sociales. A terme, derrière le décor de l’école républicaine, les élèves les plus favorisés se regroupent pendant que les moins favorisés d’entre eux sont contraints de rester ensemble.
Les mécanismes de ces ségrégations sont parfaitement documentés et personne ne les conteste vraiment. D’abord, la carte scolaire reproduit très largement la répartition spatiale des inégalités. Ensuite, par les jeux des dérogations et, plus encore, par la présence des écoles privées, les familles les plus informées et les plus riches choisissent les meilleurs établissements et fuient ceux qui leur semblent trop populaires. Les seules inégalités spatiales sont ainsi redoublées par les choix des familles les plus favorisées.
Grâce à l’Indice de position sociale des établissements, auquel chacun peut accéder, on voit bien que le séparatisme scolaire est d’abord une affaire de « riches », financièrement et culturellement, pendant que les plus « pauvres » sont contraints d’aller dans des établissements de moins en moins favorisés. Les quelques établissements privés relativement populaires ne donnent pas le change : dans les grandes villes notamment, ils regroupent massivement les élèves venus de familles très favorisées. Ils participent activement d’un séparatisme qu’il est de bon ton de présenter comme une menace, sauf quand il s’agit du séparatisme des plus riches.
Cette ségrégation scolaire pose deux grands types de problèmes. D’abord, elle creuse les inégalités scolaires dans la mesure où le mode de regroupement des élèves accentue ces inégalités : ensemble, les meilleurs élèves sont un peu meilleurs ; ensemble, les moins bons sont très sensiblement moins bons.
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