Prix: L’inflation jusqu’à quand ?

Prix: L’inflation jusqu’à quand ?

par Karl Eychenne, chercheur chez Oblomov & Bartleby dans la « Tribune »


L’inflation galopante contemporaine est une tragédie économique qui se joue en 3 actes. Le 1er acte est celui d’une pénurie de l’offre abrutie par la crise sanitaire puis la crise ukrainienne. Le 2e acte est celui d’une exubérance de la demande déconfinée puis survoltée par les politiques du quoi qu’il en coûte. Enfin, le 3e acte est celui où les ménages revendiquent des hausses de salaire afin de limiter la casse des prix sur leur pouvoir d’achat. Ce 3e acte est censé être le dernier, et pourtant tout indique le contraire.

La hausse des salaires est censée être le 3e et dernier acte de l’inflation galopante, car il anticiperait la fin du cycle d’expansion économique. Comme attendu, la Banque centrale serait incitée à monter une bonne fois pour toutes ses taux directeurs afin de renchérir suffisamment le coût du capital et freiner ainsi l’activité. Mais surtout, cette hausse du coût salarial éroderait alors les marges bénéficiaires des entreprises, les incitant à réviser à la baisse leurs programmes d’investissements et d’embauches. Toutes les conditions seraient alors réunies pour que le marché d’actions commence enfin sa purge. Sauf que tout indique le contraire.

D’une part, les marges des entreprises restent sur des niveaux historiquement élevés. D’autre part, les marchés d’actions sont en hausse de près de 15 % depuis le début de l’année.

Concernant les marges des entreprises, ce qu’il y a de plus surprenant encore est que les analystes financiers n’anticipent pas de révision baissière significative pour les 12 mois à venir. Il existe évidemment des nuances en fonction des secteurs d’activité, mais globalement aucun ne semble biaiser la lecture générale. Pourtant, les graphes que nous montrent la finance professionnelle sont sans équivoque : une hausse du coût salarial unitaire anticipe toujours une baisse des marges des entreprises. Sauf que là, non. Pour l’instant, l’accélération des salaires n’est pas jugée insupportable pour les entreprises. Le 3e acte de l’inflation galopante ne serait donc pas le dernier. Il existerait en fait un 4e acte.

Si les marges des entreprises restent aussi élevées malgré la hausse des prix des inputs (essentiellement les salaires), c’est forcément parce que les prix des outputs (prix à la consommation) montent d’autant. Autrement dit, les entreprises n’éprouvent pour l’instant aucune difficulté à ajuster les prix des produits vendus aux coûts qu’elles supportent. La valse des étiquettes n’est pas un problème pour l’entreprise, car c’est elle qui dicte le tempo.

Comment lui en vouloir ? L’entreprise entend à longueur de journée que nous vivons un déséquilibre offre – demande sans précédent motivant un renchérissement des prix de tous les biens, que la démondialisation et la transition énergétique ne font qu’exacerber cette tendance haussière des prix pour une durée indéterminée. Puisque les prix doivent monter, quoi de plus naturel que de les monter ? Il ne faut pas voir le mal partout, mais il ne faut surtout pas être naïf en la matière. On peut très bien imaginer que nous vivons un 4e acte de l’inflation galopante : celui d’une inflation opportuniste de la part des entreprises. On dira alors que l’inflation fait le larron.

Et cette très bonne tenue des marges serait donc une des explications à la très bonne tenue des marchés d’actions depuis le début de l’année. On rappellera qu’en 2022, c’est aussi la très bonne tenue des marges qui avait permis aux marchés d’actions de limiter la casse, face à l’impact défavorable de la hausse des taux d’intérêt sur la valorisation des prix des actifs (le PER). Pour le reste de l’année 2023, les taux d’intérêt semblent déjà être à bout de souffle, comme en témoigne leur relative stabilité depuis le début de l’année. Si les taux cessaient d’être une menace pour les marchés d’actions, alors seules les marges des entreprises seraient susceptibles de peser sur le moral des investisseurs. À condition que ces marges s’érodent enfin.

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