Démocratie- Conseil constitutionnel : Quelle objectivité juridique ?
par Lauréline Fontaine, Professeure de droit public dans Le Monde
Depuis le 14 avril, les mots des constitutionnalistes sont sévères à l’égard des décisions qu’a rendues le Conseil constitutionnel : mal motivées en droit, dangereuses pour la démocratie parlementaire, complaisantes à l’égard du gouvernement, etc. Assurément, le Conseil constitutionnel a manqué une occasion de restaurer la confiance et les espoirs que l’on pouvait porter dans la justice constitutionnelle. Le Conseil constitutionnel n’est pas un contre-pouvoir de droit, il est « tout contre le pouvoir ».
Il est capital de comprendre que ce n’est pas forcément la justice constitutionnelle qui est en cause, mais bien les conditions dans lesquelles elle est rendue en France. Du point de vue des conditions de la délivrance de la justice dans un Etat de droit démocratique, les deux décisions du 14 avril rendues par le Conseil constitutionnel souffrent de plusieurs graves défauts : déontologie discutable, défaut d’apparence d’impartialité, absence de débat réellement contradictoire et, enfin, absence d’argumentation étayée et cohérente.
La déontologie des « juges » : le fait d’apprendre que le président d’une juridiction a fait savoir ce qu’il pourrait juger dans une affaire donnée, alors même qu’il n’en est pas encore saisi, est contraire à la réserve à laquelle il est tenu comme juge et contrarie aussi le principe de la collégialité de la justice. Or, selon Le Canard enchaîné, Laurent Fabius a expliqué, au mois de janvier, que certaines dispositions pourraient être censurées au titre des « cavaliers sociaux », alors même que le projet n’avait même pas encore été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale. Le fait d’avoir voulu accompagner le président de la République à l’occasion de son voyage en Chine, début avril, est également le signe évident du peu d’intérêt porté aux enjeux de la justice constitutionnelle.
Les apparences de l’impartialité des « juges » : pour que leurs décisions soient prises dans les conditions d’une justice sereine et démocratique, les juges ne doivent pas les rendre dans des conditions qui feraient peser sur elles un doute légitime. C’est élémentaire. Ce qui compte, surtout, est qu’ils doivent en donner les apparences. Cela signifie que si les juges ont un conflit d’intérêts objectif avec une affaire, qu’ils connaissent l’une des parties ou ont déjà été impliqués dans le même type d’affaires, ils doivent se mettre en retrait, se « déporter », pour que la décision ne puisse pas être contestable.
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