Nouvelles technologies-L’ intelligence artificielle pour remplacer les auteurs ?
Un article intéressant qui pose la question de la nature juridique des œuvres créées par l’intelligence artificielle. Une question qui pourrait aussi se poser pour les œuvres qui sont en fait produite en sous-traitance par des petites mains au bénéfice d’auteurs connus, de stars médiatiques, scientifiques ou encore politiques NDLR
Par Caroline Casalonga, Avocate Associée et Juliette Dionisi, Avocate Collaboratrice au Barreau de Paris, du cabinet Casalonga dans la Tribune.
À partir d’une instruction donnée par l’homme, les logiciels d’IA (tels que Dall-E, Stable Diffusion, Midjourney ou ChatGPT) sont capables de générer automatiquement des images ou du texte, en reproduisant, analysant et mixant un grand nombre d’œuvres et de contenus préexistants.
L’humain donne des instructions à la machine qui les applique selon son algorithme et ses connaissances / contenus au moment de la réception des instructions. Sur la base des instructions reçues et des connaissances de l’IA, la machine génère une œuvre différente. Se pose la question des droits d’auteur : est-ce qu’une telle œuvre générée par l’IA à partir d’instructions humaines est protégeable par le droit d’auteur et, dans l’affirmative, qui serait titulaire de droits sur cette œuvre ?
Les œuvres exclusivement créées par des IA sont-elles protégeables par le droit d’auteur ?
Pour l’institution américaine, la réponse est NON !
L’USCO affirme que le droit d’auteur nécessite une intervention humaine dans le processus de création. Ce principe avait déjà été appliqué par l’Office américain pour refuser la protection par le droit d’auteur à un selfie pris par un singe.
Ainsi, l’USCO refusera les dépôts d’œuvres générées exclusivement par l’IA.
Pour le tribunal de Shenzhen en Chine, c’est OUI !
Le tribunal de Shenzhen a jugé différemment, considérant qu’une œuvre générée par une IA, en l’occurrence des articles de presse générés par le robot Dreamwriter, développé par la société Tencent, étaient protégeables par le droit d’auteur. Le tribunal a estimé que les droits d’auteur appartenaient à l’éditeur de l’IA.
En France et plus généralement dans l’Union européenne, il est probable que la solution serait similaire à celle de l’USCO, il faut une intervention humaine pour qu’il y ait un droit d’auteur.
En effet, l’œuvre, pour être protégeable, doit être originale, ce qui signifie qu’elle est « l’expression ou l’empreinte de la personnalité du créateur ». Sans apport intellectuel de l’auteur, il ne peut pas y avoir d’œuvre, ni donc de droits d’auteur.
Plusieurs questions se posent :
Les œuvres dont la création est en partie générée par l’IA et en partie par un auteur sont-elles protégeables ?
Les créations générées par l’IA sont-elles libres de droits ?
Les œuvres cocréées par l’IA et un humain sont-elles protégeables ?
Le principe de non-protection des œuvres générées exclusivement par ordinateur n’exclut pas pour un auteur de recourir à l’IA dans son processus de création. Pour être protégeable par le droit d’auteur, l’œuvre créée par un humain avec l’aide d’une IA devra porter l’empreinte de la personnalité de son auteur, ce qui signifie qu’il faut une véritable création humaine, et pas juste des instructions à une IA.
À titre d’exemple, dans le roman graphique « Zarya of the Dawn » de Kris Kashtanova composé d’un texte écrit par un auteur combiné à des images générées par l’IA l’USCO a accordé une protection par les droits d’auteur au texte, mais pas aux images.
On pourrait également imaginer un auteur qui donnerait des instructions à une IA afin de générer une image et qui travaillerait ensuite à partir de cette image pour créer son œuvre. L’œuvre ainsi créée devrait être considérée comme originale.
On vient de le voir, a priori, il n’y a pas de droits d’auteurs sur une œuvre générée par l’IA. Mais les contenus générés par l’IA sont-ils pour autant libres de droits et, dans la négative, qui est leur propriétaire ? Plusieurs pistes peuvent être envisagées :
Le producteur de l’IA : le producteur, programmateur de l’IA qui a investi dans le développement du logiciel et sélectionné les données pourrait, sur le modèle du droit accordé au producteur de bases de données, être titulaire des droits sur le contenu ainsi créé par l’IA.
L’utilisateur de l’IA, c’est-à-dire à la personne qui, par ses instructions à l’IA, a généré un nouveau contenu, pourrait également se voir reconnaitre des droits sur le contenu généré par l’IA.
On pourrait également imaginer, sur le modèle de l’œuvre collective, une cotitularité sur le contenu ainsi généré entre l’utilisateur et l’éditeur de l’IA.
La solution est généralement contractuelle : l’éditeur de l’IA peut prévoir, dans ses conditions générales, qu’il reste propriétaire de tous les contenus générés par l’IA, ou qu’ils sont libres de droits et que personne ne saurait revendiquer un quelconque droit sur ces contenus. Ainsi, les conditions générales d’utilisations (CGU) prévoient que OpenAI est propriétaire de l’intégralité des contenus générés par ChatGPT.
Si les CGU prévoient que l’éditeur de l’IA reste propriétaire des contenus générés par son IA, est-ce qu’un auteur pourrait générer un contenu par l’IA, puis le transformer pour créer une œuvre ?
L’intelligence artificielle soulève de nouvelles questions sur les droits d’auteur qui devront être examinées par le législateur.
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