Intelligence artificielle : la fin du travail ?
Le sociologue Juan Sebastian Carbonell dégonfle, dans une tribune au « Monde », le discours apocalyptique d’un remplacement des emplois par les machines, qui dissimule mal, selon lui, une crise du travail d’une tout autre nature.
C’est l’un des paradoxes actuel : au moment même où la question du travail redevient centrale en raison du mouvement social contre la réforme des retraites, on remarque un retour en force des discours sur la fin du travail. Futurologues, essayistes et journalistes se posent cette question : pourquoi se mobiliser contre le recul de deux ans de l’âge à la retraite, alors que l’intelligence artificielle (IA) va révolutionner le monde du travail ?
A en croire tribunes et prises de position, salariés et étudiants n’auraient pas compris où sont les vrais dangers du moment. Ils auraient même tort de manifester, car le recul de l’âge légal de départ à la retraite ne serait rien face aux dangers de l’intelligence artificielle ou de ChatGPT. On annonce alors la suppression de millions d’emplois sous les effets de l’IA et de ses avancées ; on parle d’une nouvelle révolution industrielle, de « désordres indescriptibles », d’un « bouleversement » sans précédent de la structure de l’emploi. Rien de moins.
Ces discours technofatalistes et apocalyptiques n’ont rien de nouveau. Après tout, à chaque révolution industrielle a été proclamée la disparition du travail et a été opposé le « progrès technologique » au bien-être des travailleurs et des populations, même si jamais de telles prédictions ne se sont confirmées.
Mais d’où viennent ces discours ? D’abord, d’entrepreneurs du secteur du numérique qui cherchent à faire parler de leurs services et à attirer des financements. C’est ce qui explique que les discours sur les révolutions technologiques sont hyperboliques et exagérément optimistes. Ce n’est donc pas un hasard si, après l’engouement autour de ChatGPT en début d’année, Microsoft a décidé d’investir 10 milliards de dollars (9,1 million d’euros) dans OpenAI, entreprise propriétaire du robot conversationnel.
Ensuite, de cabinets de conseil qui font leur miel de cette panique sur la fin du travail, vendant des « solutions IA » à des entreprises qui ne veulent pas être à la traîne sur un sujet présenté comme révolutionnaire dans les médias. Enfin, de « futurologues » et d’experts autoproclamés pour qui il s’agit de faire parler de leurs livres, d’être invités dans les médias et à donner des conférences.
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